Ce fut comme cela que Gérard d’Orville , vagabond au long cours, mendiant de son état et sale et mal peigné fut adopté par la ville. L’Église avait pour une fois fait ce que Dieu attendait d’elle.

Nous retrouverons ce garçon au cours de cette l’histoire mais revenons en à nos deux pasteurs qui, sil ils avaient sans le vouloir gagné quelques batailles, n’en avaient pas fini avec une guerre qu’on pourrait dire larvée.
Ils savaient tous deux qu’ils avaient affaire au diable mais ne pouvaient pas en parler parce que les gens du coin, déjà qu’ils n’étaient pas tranquilles, ne savaient pas que l’ennemi de leurs âmes en réalité existait.

Aucun ne croyait à cet être fourchu et ces histoires d’enfer même si ils avaient peur car la mort est toujours inconnue.
L’éducation ancestrale et les croyances faisaient le reste, et chacun choisissait son dieu comme ça l’arrangeait.
Un tel était catholique pour cause de famille, certains avaient adhéré aux causes évangéliques car c’est bien plus sympa, les témoins de Jéhovah avaient implanté leur salle, et quelques hurluberlus qui avaient voyagé professaient le bouddhisme ou d’autres religion de moindre importance. Le reste était agnostique car c’est bien connu, un véritable athée n’existe pas.

Pour les Protestants, il y avait un temple, il ne leurs serait jamais venu à l’idée de protester contre quoi que ce soit, et ils n’étaient qu’une version du catholicisme sans idoles en plus riche (pour les membres du moins) et bien moins populaire. On ne disait rien d’eux si ce n’est quand ils organisaient une fois l’an une exposition sur la Bible que personne ne visitait.
Bref, chacun étant dans son coin et ne gênant personne, les seules querelles étaient intra-muros et c’était bien comme cela.
Il y avait bien quelques scandales, vite étouffés, mais on en parlait peu sauf que cette fois-ci, l’histoire de cette église, l’Église, faisait tout le monde jaser.

Les premiers à recueillir les commentaires était bien sûr l’équipe pastorale qui aurait pu écrire un bouquin sur la question mais n’en voyaient pas l’utilité.
Cela ne la faisait pas rire, on s’en doute, mais elle avait tout de même la satisfaction de voir que « les retours » concernant cette aventure étaient un signe que quelque part, dans les lieux spirituels, ça bagarrait ferme et elle en éprouvait sans oser le dire une immense satisfaction.

- Tiens, le diable remue le bout de sa queue, risqua Jo à son aîné pour engager la conversation sur le sujet.
- Ne dit pas de bêtises, jeune homme, répliqua le vieil ours un peu courroucé.
Chez nous, il est pour habitude qu’on parle de l’église en bien, et gare à celui qui provoquera le scandale.
Il avait appris en fait dans sa dénomination que le verset « Malheur par qui le scandale arrive. » (Luc 17:1) voulait dire qu’était maudit celui par qui le scandale arrivait.

Roger compris d’un coup que ce qui est maudit n’est pas n’est pas celui qui dénonce le scandale mais ce qui le provoque. Ce n’était pas la même chose. Jo n’eut même pas à le lui expliquer.
De plus, dans notre cas, ils n’avaient rien fait d’eux-même si ce n’est d’obéir à la voix du Saint Esprit qui les avait guidés tout au long de cette affaire et il était logique qu’il y ait des répercutions.

Heureusement, il y avait plus de calomnies et de diffamation qu’autre chose et leur conscience en était apaisée.

- J’ai reçu ce matin l’invitation à la Pastorale, repris Roger avec appréhension. Ne crois-tu pas, Jo, que c’est un peu tôt pour y aller ?
- Cela serait reculer devant nos responsabilités, répondit le frère un peu intimidé aussi. Nous devons aller leur présenter Jésus.
- Rien que ça ! Tempêta l’autre encore une fois furieux. Tu sais bien ce qu’ils vont faire non ?
- Justement, autant être au premier rang et défier l’esprit qui les anime dit Jo la voix maintenant bien assurée. Il s’étonna lui-même de ce courage.

En fait, L’ex-Pasteur Principal voyait encore une Pastorale comme sous l’ancien régime, c’est à dire noyautée par la dénomination la plus puissante de la région. Comme dans « les églises », le plus fort commandait.

Or, dés qu’ils seraient intégrés, la donne risquait de changer, car Celui qui était avec eux était plus fort que ceux qui étaient contre eux. Nos compères étaient en train de le vivre.

- Oui, allons-y  prêchons-leur l’évangile, se surprit à dire le renard repenti.

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Bien qu’ils ne se fassent aucune illusions, les deux pasteurs honorèrent l’invitation, et c’est bien décidés qu’ils poussèrent la porte de la salle où se tenait la réunion mensuelle des pasteurs reconnus de la circonscription.

Il y avait là un pasteur ADD et son adjoint, un Baptiste, trois représentants d’églises indépendantes c’est à dire non rattachés aux principales fédérations bien qu’ayant des liens avec d’autres groupements sans importance, un envoyé de FPEPF, fédération ayant mis en couple réglée la plupart des assemblées évangéliques qui n’était là qu’en tant « qu’observateur », et enfin un auteur populaire de livres d’enseignements chrétiens en villégiature dans la région. Monsieur le Curé n’avait bien sûr cette fois-là encore pas été invité. Restons en famille.

Le pasteur ADD, majoritaire, prit avec autorité la parole pour ouvrir les débats faisant mine de ne pas remarquer l’air glacial qui tétanisait les convives. Seul, l’auteur qui arrivait d’on ne sait où semblait à l’aise. Il ne savait en fait rien de la situation qui de toutes façons ne le concernait pas. Il était là par hasard.

- Nous allons prendre directement l’ordre du jour qui est de savoir ce qu’il se passe dans votre ville, attaqua l’ADD sans plus de sentiments. Il avait l’habitude de commander.
- Heu… Ne ferez-vous pas les présentations ? osa l’auteur qui ne connaissait personne et aurait bien voulu,lui, être connu.

Un vent de panique s’empara de l’auditoire à la question saugrenue du freluquet qui venait de s’en prendre à un chef incontesté qui ne lui avait pas donné la parole. Lequel fusilla le trublion d’un regard courroucé mais ne pu qu’accéder à sa prière et répondit poliment…

- Vous avez raison, Monsieur, je m’excuse de cet oubli mais le temps m’est compté, j’ai une autre réunion plus importante à présider et ne traînons pas. Commençons pas vous. Vous êtes cher frère…

L’auteur, un peu décontenancé, ne pu que constater l’impolitesse de ce pasteur si pressé qui laissait entendre qu’il avait plus important à faire que d’être là, et se demanda pourquoi il était venu. Il n’allait pas tarder à la savoir.

- Je suis Jérôme Presquil, auteur de textes d’édification chrétienne, mais ce n’est pas à ce titre que je suis parmi vous.
Étant en vacances dans le coin, c’est tout naturellement que j’ai rejoint une église pour le culte du dimanche, et c’est comme cela que j’ai rencontré le pasteur Robert ici présent qui m’a invité à me joindre à vous.
- Oui, je connais vos livres enchaîna le pasteur à sa droite. Nous en proposons à ma table de publications et beaucoup de mes brebis me parlent de vous. Je n’avais pas encore eu l’occasion de vous lire.
- J’ai vu votre site sur Internet, intervint le troisième . Ce n’est pas mal du tout et vous êtes décidément populaire le félicita-il.
- Chez moi, on ne vous connaît pas, déclara à son tour le Baptiste, et mes collègues et moi sommes heureux de vous accueillir. Merci pour votre visite.
- Jérôme Presquil ! S’exclama Jo rayonnant de bonheur, viendrez-vous encourager l’Église qui se trouve dans notre ville ?

Du coup, Jo avait oublié de se présenter mais se reprit en expliquant qu’il était avec Roger qui allait leur dire pourquoi ils avaient accepté de venir et en profita pour présenter au nouveau venu le reste de cette honorable assemblée.

Roger, qui ne savait plus où se mettre devant tant d’audace, confirma l’invitation à l’auteur et pris la parole à l’ADD furieux qui voyait lui échapper l’autorité qu’il s’était lui-même attribuée. Le pasteur se leva.

Je salue tout d’abord Le Pasteur Martin de la Fédération Protectrice des Églises Protestantes de France qui nous fait l’immense honneur de sa présence et, s’il n’est parmi nous que comme observateur, sans doute pourra-t-il faire un rapport à sa fédération sur l’état de l’Église sise dans notre région. Les invités s’inclinèrent respectueusement.

- Nous sommes devant vous, mon collègue et moi, pour vous rassurer quand aux bruits qui courent concernant de récentes initiatives que nous avons prises et aussi de notre désir de ne pas nous couper de la Pastorale comme auraient pu le croire certains à cause de notre absence de votre communauté ces derniers mois.

Roger se mordit la langue. Il avait dit « Votre » communauté.

Jo et moi, et le Saint Esprit qui nous accompagne, avons décidé de changer quelques petites choses à la structure ecclésiale qui nous a précédée, il n’osa pas préciser « et à qui nous avons acheté les murs », et nous nous rendons compte que nous avons bien fait parce que nous avons déjà eu plus de vingt baptêmes et beaucoup de contacts se sont noués.

« Le Saint Esprit qui nous accompagne », pensa aigrement le délégué de la FPEPF, il y va un peu fort et, s’il continue comme ça, cela va barder pour son matricule. Il l’avait déjà condamné.

- Même le Maire de la ville, continua Roger après avoir repris son souffle est devenu un disciple, et nous l’avons baptisé dimanche dernier. Il pensait qu’en citant un nom célèbre, il allait amadouer son auditoire.

Le mot « disciple » fit se raidir sur leurs chaises la plupart des membres de la Pastorale présents et seul l’auteur Jérôme Presquil exultait.

- Il a dû lire mes bouquins se dit-il se rengorgeant un peu seulement.

- Je vous remercie de nous avoir invité termina le pasteur Roger pour ne pas abuser de son temps de parole. Si vous avez des questions à poser, nous y répondront avec joie.

Il n’en pensait pas une miette, mais il fallait bien qu’il termine son discours à son avantage et il attendit avec un peu plus d’angoisse qu’il ne montra pas les premières flèches empoisonnées qu’il lui faudrait affronter.

C’est le pasteur baptiste qui ouvrit le feu avec la question traditionnelle chère au cœur du membre d’une fédération.
- Qui avez-vous rejoint et quelle est votre couverture spirituelle ? Celle-là, Roger l’attendait.

Jo cria au secours à Jésus qu’il aimait.

- Cette question est encore à déterminer, s’en sortit Pasteur Roger, car nous n’avons pas encore eu de proposition dit-il avec un aplomb effroyable. Qui le croirait ?

Il semble que la réponse suffit puisque personne ne releva et Jo poussa un « Ouf » de soulagement. Jésus poussa du coude Son Père.

- Où avez-vous trouvé l’argent pour faire tout ça ? Demanda l’envoyé d’une église indépendante qui n’avait que 5 membres dont trois de sa famille.
J’ai entendu dire que vous avez accepté des dons des in-convertis pour acheter un temple et, si je suis bien informé, ce n’était pas donné.

- Oui, mais nous n’avons pas eu de problème car il n’y avait pas d’église au sens où vous l’entendez à ce moment-là.
Je ne comprends pas moi-même pourquoi tous ces gens ont participé et, si il est vrai que quelques uns d’entre-eux se sont rapprochés de nous et de ce qu’on représente, tous n’ont pas fait acte de conversion et sont informés que ce que nous appelons « chrétien », nous préférons le mot « disciple », est de la sémantique et ne vient pas à l’Église qui veut.
Tous sont accueillis pour des moments publics mais notre culte est réservé à ceux qui ont fait le bon pas et ils le savent très bien. Nous n’avons pas de problèmes de ce côté là et, si Dieu Lui-même a touché le cœur et les dispositions de ces gens, nous n’avons rien à redire car nous n’avons rien promis à personne.

- Certains, de votre ancienne fédération se plaignent du fait que vous auriez volé cette église, cracha le délégué de la FPEPF. Il ne pouvait plus tenir.
- Que ces certains-là soient rassuré répondit Roger du tac au tac.
Concernant les membres, il n’y avait aucun chrétiens dans cette église et de toutes façons ils étaient tous partis.
Pour l’achat des murs, tout a été fait en règle et la fédération a été payée et elle était tellement contente qu’elle nous a fait un rabais pour nous encourager. Avez-vous autre chose à dire par rapport à cela ?

Le représentant du baisser les yeux devant le regard de l’autre qui le transperçait jusqu’au plus profond de son intelligence. Ce gars était très fort.

Il n’imagina pas une seule seconde que Dieu, encore une fois dans sa prescience, par son Esprit, avait béni un de Ses oints.

Les questions/réponses suivirent leurs cours et les pasteurs en conclave réunis ne purent sur le moment rien trouver de plus chez nos amis qui méritait la pendaison.
Ils durent ravaler leur rage, terrible pour certains d’entre eux, et le diable, constatant qu’il ne pourrait rien tirer de cette Pastorale se retira en se disant qu’il y aurait une prochaine fois.

Au moment de sortir les agendas pour programmer la prochaine rencontre, personne ne prit mal le fait que nos deux héros sortent aussi le leur, et il fut décidé sans voter que Roger et Jo étaient réintégrés dans la Pastorale.

Après le pot d’usage, chacun rentra chez soi et Jérôme Presquil tenait le sujet de son prochain ouvrage. Il était très curieux de rencontrer cette « Église » qu’on avait évoqué et qui n’avait pas l’air de ressembler aux chapelles habituelles.
L’invitation se transforma en une invitation à dîner pour le lendemain soir et notre auteur rentra à sa résidence sans s’expliquer pourquoi il y avait une si soudaine joie dans son cœur.

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