Gérard d’Orville s’était bien gardé de raconter cette expérience à ses hôtes et feignait de ne rien savoir sur Dieu malgré tout le mal qu’ils se donnaient.

Ils l’avaient accepté comme il était et il n’avait pas besoin de tricher en faisant semblant de croire pour rester parmi eux. Il n’était même pas le clochard qu’on héberge. Il s’était même surpris à les aimer quelquefois.
Cela lui rappelait une histoire qu’on lui avait raconté concernant une communauté de frères dans le genre de celle-ci qui hébergeait les gens de passage et, pour leur donner une chance, leur permettait de travailler avec eux comme il le faisait ici en ce moment.

Un des invités ayant des compétences de gestion et comptabilité, ils lui avaient confié leurs livres et même la clef du coffre, ce qui étant bien imprudent mais, l’or et l’argent appartenant à Dieu, ces amis ne voyaient pas de malice.

Jusqu’au jour où le comptable d’occasion s’enfuit avec la caisse et les trouva tous dans de beaux draps et bien dépourvus au vrai sens du terme.
Ils n’appelèrent pas la police parce qu’ils savaient pardonner et, bien que jurant qu’on ne les y reprendraient plus, confièrent une fois de plus la comptabilité, et la clef du nouveau coffre, à un autre voyageur de passage qui avait besoin d’être aidé.

Gérard était donc prédisposé à croire que Dieu agissait puissamment et transformait des vies et les exemples qu’il côtoyait tous les jours lui donnaient envie de s’adresser à ce Dieu mystérieux qui se révèle quand on lui demande.
Seulement, il en avait trop vu et, si vivant à l’intérieur de leur communauté il était bien placé pour constater la véracité des sentiments des apôtres et était témoin de leur foi éprouvée, il ne voulait pas se convertir par « imitation ». Il ne voulait plus regarder les hommes.

Si il persistait à faire semblant de croire que Dieu n’existait pas, il ne pouvait qu’être juste avec lui-même et reconnaître que toute son expérience sur la question ne valait pas grand chose en comparaison avec ce qui avait sous les yeux. Ces gens priaient et Dieu bénissait.
« Renoncer à sa vie » était le credo de ses amis prédicateurs et il rigolait bien car sa vie à lui ne valait pas grand chose et c’est sans remords ni regret qu’il l’aurait volontiers accrochée à un clou de la croix car il n’en voulait plus depuis bien longtemps.

Seulement, il y avait « la liberté » et ça, ni Jo ni Roger ne pouvaient lui garantir qu’il la garderait si il sautait le pas et demandait à Dieu de rentrer dans sa vie.

Il en était là dans cette expectative quand il se dit qu’effectivement, il ne valait pas grand chose, et qu’il n’était même pas capable de se réconcilier avec sa mère qui pourtant ne lui avait rien fait de mal.
Il comprit finalement que c’était lui qui l’avait fait souffrir par son départ et son reniement. Il pensa au fils prodige dont il entendait l’histoire tant de fois depuis ces dernières semaines et cette idée ne le quitta plus.
Elle devint même si pressante qu’il piqua dans la bibliothèque un petit bouquin qui enseignait « les quatre pas vers la foi » et alla dans le jardin public se cacher sur un banc loin de toutes influences d’autant plus qu’il n’avait pas besoin de témoins. Il savait ce qu’il allait faire.
Le petit bouquin enseignait comment venir à Dieu.
Il y avait un dessin qui représentait un précipice et, derrière la faille, le terrain de Dieu et une croix plantée. Bien visible.
Il savait qu’il était du mauvais coté et accepta son statut de pécheur et compris que Jésus était venu le sauver par ce sacrifice incompréhensible pour celui qui refuse l’amour et l’existence même de Dieu.

Gérard était là, sur ce banc, une pluie fine lui transperçait les os mais il ne la sentait pas. Pour la première fois, il s’adressa vraiment à ce Père.

- Je reconnais que je suis un pécheur et je te demande pardon d’avoir douté de ton existence. Voilà ce que j’ai fait et je le regrette maintenant.

Le garçon énuméra ses péchés du moins ceux dont il se rappelait à l’instant en sachant bien qu’il n’y avait pas le compte.
Puis, timidement, il demanda à son Père de l’accueillir dans Sa maison et, s’aidant du petit bouquin, il répéta par trois fois la prière de renoncement à lui-même pour être sur de bien l’avoir faite.

La croix bascula, se coucha en travers du précipice, et Gérard d’Orville marcha d’un pas assuré vers la cité de Dieu.

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