Le primo réflexe du pasteur Roger fut de penser qu’il faudrait penser à trouver une nouvelle salle bien plus spacieuse car, au train où allaient les choses, ils seraient bientôt à l’étroit.

Mais l’Esprit de Dieu lui rappela bien vite que l’Église n’était pas un bâtiment et qu’au contraire, les mauvaises habitudes qu’avait pris la chrétienté avait freinée son expansion plus qu’autre chose et que dans les lieux de cultes fréquentés par des religieux qui se disputent on trouvait bien peu de vrai témoignage et l’humanité était en train de crouler sous le péché.

Même dans les églises, ou du moins ce qu’on appelait « églises », ce péché abondait, et la norme était maintenant à des thèses parfaitement anti-biblique enveloppées dans un discours trompeur qui ne pouvait plaire à Dieu. Les fruits étaient amers et Roger n’y pouvait rien changer.

Par contre, l’expansion de l’Église dans sa ville à laquelle il n’avait pas pensé changeait le schéma auquel il était habitué qui voulait que, quand un bâtiment était trop fréquenté, on en ouvrait un autre dans un autre quartier et aussi des annexes ou « églises filles » édifiant ainsi de nouvelles communautés.

Mais cette façon de procéder fabriquait des clones de l’église mère, et si la qualité de ce qui était prêché dérivait ne serait-ce que d’un petit iota, c’était des centaines voire des milliers de personnes qui recevaient un faux enseignement et le propageaient à leur tour.

En fait, c’était « le système » qui était reproduit et Roger savait maintenant que celui au sein duquel il avait évolué pendant tant d’années était plus pervers qu’autre chose et fabriquait des religieux à défaut de sauver les gens. Il allait devoir aviser.

La solution aurait pu être d’instituer des « d’églises de maison » ou « cellules », mais cela revenait au même et favorisait la division car c’est bien connu, dés qu’un homme a un peu de pouvoir, les responsables de ces cellules par exemple, il devient vite un gourou même si ce n’était pas son intention au départ.

Maintenant, reposait sur l’âme de Roger le fardeau de la croissance. Il s’ouvrit de ses pensées à Jo qui l’accueillit avec un sourire.

- Je sais, j’y pense moi aussi et les frères commencent à m’en parler.
Nous sommes un peu dépassés par les événements et, si gérer les nouveaux convertis et les enseigner ne pose pas encore de problèmes, qu’en sera-t-il quand nous dépasserons les limites de la ville ?
- Oui, mais ouvrir une autre salle ne me parait pas opportun, répondit Roger, et je ne sais comment faire pour organiser des rencontres car les auditeurs sont de plus en plus nombreux et nos frères ont tous besoins d’être enseignés.
- Peut-être les autres églises, risqua Jo sans trop y croire, où en sommes-nous avec la Pastorale ?
- Je ne pense pas qu’ils soient prêts à accepter nos idées.
Déjà que nous ne savons pas trop nous-même où nous en sommes, dit Roger avec un peu de crainte, je me vois mal leur proposer d’ouvrir leurs locaux à notre pratique. Cela serait pour eux une trop grande remise en question.
- Oui, ils n’y sont pas prêts et à moins d’un miracle, ils n’accepteront jamais.
- On peut toujours leur demander, osa Jo plein d’espoir, quand les revoyons-nous ?
- Jeudi en quinze. Je vais me préparer.

Ce que ne savait pas nos deux pasteurs, c’est que Jésus avait déjà pourvu question réponse mais ils n’avaient pas compris qu’ils étaient déjà sur la bonne route. Il leur suffisait d’avancer.

Bien qu’ils aient compris intellectuellement que l’Église n’était pas un ou plusieurs bâtiment ou des structures ecclésiales, ils avaient  toujours en tête ce concept « d’église locale » mentionné dans le nouveau testament, mais sa mise en pratique s’était avérée assez maladroite.

Même en prêchant cet aspect, les églises instituées n’aiment pas trop que leurs membres se réunissent « hors des murs » pour partager la Sainte Cène qu’elles l’interdisent parfois, l’enseignent entre adeptes ou autres activités ecclésiales non "encadrées". Toute activité religieuse doit être « contrôlée » par la structure sous prétexte que des abus existent ce dont nous sommes très conscients.

Le résultat en est un appauvrissement spirituel des frères, la crainte de mal faire, et un joug omniprésent pesant sur le cœur des gens sincères car il y en a toujours même dans les églises apostates.

Jo et Roger ne voulaient pas faire le procès des églises mécréantes mais comprendre et éviter leurs erreurs car ils en étaient à un point où il ne faut pas se louper. L’avenir de l’Église de la ville était entre leurs mains ainsi que le travail d’une vigne élargie que Dieu leur avait avait confié en dépôt.

Si ils n’avaient pas la moindre idée des limites géographiques, ils savaient intimement que ce qui comptait était la qualité du service et qu’ils ne pouvaient se permettre de construire en vain. Ils se penchèrent dans la prière et demandèrent à Jésus le secours.

Jésus, Lui, n’avait pas cette fois de miracle à leur proposer et mesurait la difficulté des ces frères à comprendre comment ils devraient continuer.

En fait, Il ne pouvait pas leur rabâcher sans cesse qu’ils devaient Lui faire confiance et que c’est Lui qui construisait Son Église, eux n’étant que des instruments discrètement utilisés par le Père pour servir Ses desseins.

- Les chrétiens ont parfois la tête dure se dit-Il en souriant aimablement.

Il fallait donc que nos amis découvrent par eux-mêmes comment s’en sortir et le meilleur moyen était encore de les laisser trébucher.

Jo et Roger crurent bon de réunir leurs frères pour leur soumettre les idées qu’ils n’avaient pas et leur demander leur avis.

Bien sûr, ceux qui venaient des autres églises proposèrent tout de suite les cellules de maison et un éventuel partenariat avec les autres assemblées bien qu’il fut de notoriété publique qu’elles n’avaient pas le même fonctionnement.
De plus elles étaient plus habitées par des morts que par des êtres régénérés par la nouvelle naissance quoi qu’elles en prêchaient, et on se voyait mal leur confier les âmes.

Surtout quand lesdites âmes étaient des petits agneaux juste nés et mignons à croquer.

D’autres parlèrent de demander au Maire la mise à disposition de locaux municipaux et de rééditer l’histoire de la piscine.
Mais ce dernier, Georges Lapige, eut tôt fait de les en dissuader car cela serait ouvrir la porte aux demandes expresses des sectes et on ne s’en sortirait pas. Ce qui avait « été conduit » une fois ne devait pas être récupéré d’autant plus que ce n’était pas logique à cause des lois sur la laïcité.

Mais, puisque nous avons ouverts nos maisons, pourquoi ne pas officialiser des lieux de rencontre et constituer un réseau et une organisation ? Proposa un des frères
- Oui, c’est une bonne idée répondirent Roger et Jo en même temps, nous pouvons faire cela.

Et commencèrent alors les problèmes.

Très vite, les frères désignés pour accueillir les réunions naguère improvisées se sentirent investis d’une mission spéciale et prirent très au sérieux leur nouvelle responsabilité.

Ils ne tardèrent pas à vouloir devenir plus spirituels les uns que les autres, parlèrent d’école biblique, achetèrent pour certains des bouquins d’apologétique , commencèrent à se mesurer, se critiquer et les disputes éclatèrent au sein du Peuple de Dieu dans la ville.

Heureusement, les pasteurs du troupeau viellaient et, voyant les brebis commencer à se déchirer, décidèrent de mettre le holà et réunirent en urgence l’église. Roger pris la parole.

- Mes frères.
Il y a à peine dix jours, nous avons voulu nous structurer pour organiser l’Église et déjà naissent des dissensions causées par des jalousies qui n’existaient pas auparavant. Nous sommes absolument certain d’avoir fait une erreur à laquelle il faut remédier au plus vite.

Je confesse que croyant bien faire, nous avons donné des responsabilités à certains d’entre nous et je veux ce soir vous faire remarquer plusieurs choses.

Tout d’abord, avons-nous prié avant de prendre une telle décision et avons-nous demandé au Saint Esprit de nous guider dans le choix des frères qui ouvriraient officiellement leur maison ? Non, nous ne l’avons pas fait.

Ensuite, les premières escarmouches ont vite dégénéré et personne n’a cherché l’apaisement alors qu’il était évident que c’était une affaire d’église et pas seulement une question d’ego qu’il reste à attendrir, et les plus sensés d’entre nous auraient dû demander une réunion comme celle que nous avons convoqué ce soir. Nous avons tous fauté.

Enfin, cette alerte nous montre que nous nous sommes trompés de direction et que nous devons cesser tout de suite cette manière de faire qui ne nous apporte que de la malveillance et du tourment que nous refusons maintenant par le nom de Jésus.

L’autorité du serviteur de Dieu fit reculer le diable qui avait tenté de s’introduire dans l’Église mais que la vigilance et la probité des frères recteurs avait repoussé.

Encore raté ! Se lamenta celui-ci.

D’accord, repris Roger, nous avons vu notre faiblesse mais cette aventure nous a montré des failles que nous allons nous efforcer de combler.

Tout d’abord, la jalousie a pointée le bout de son nez et l’orgueil a montré de quoi il était capable.
Bien sûr, nous avons renoncé à tout cela mais les circonstances viennent de nous montrer que nous sommes fragiles et que celui qui est debout doit prendre garde de ne pas tomber.

Je propose que nous nous humilions devant Dieu et lui demandions pardon de cette bavure. Nous le ferons chacun dans votre chambre, seuls devant notre Maître, afin de ne pas subir les influences les uns des autres. Notre foi est personnelle et devons régler nos comptes avec le Seigneur chacun pour soi.

Par contre, certains d’entre vous ont été blessés les uns par les autres, et il est temps ce soir de réparer.
Je vous propose de vous rencontrer individuellement et, sans hypocrisie, vous demander pardon afin qu’il ne subsiste aucune racine d’amertume et que tous n’en soyons infectés. Demain matin, au lever du soleil, tout sera revenu comme avant.

Pour les « accréditations », nous allons les libérer et que les frères qui en étaient récipiendaires ne considèrent pas cela comme un blâme ou quelque chose comme cela mais comme une sécurité en faveur de notre communauté et surtout en pensant à ceux qui viendront et doivent nous trouver purs et sans tâche.
Disons que pour le moment, nous suspendons cette expérience dans l’attente de trouver une autre formule qui sera plus en phase avec la volonté du Seigneur. Jo, as-tu quelque chose à rajouter ?

- Oui répondit ce dernier.

Nous avions déjà oublié que c’est Jésus qui ajoute tous les jours à l’Église ceux qui sont sauvés et je crois de tout mon cœur que c’est à Lui-même d’organiser la croissance.
Notre erreur a été de distribuer des rôles et notre propre mission est devenue plus importante à nos yeux que notre devoir d’écouter. Je suis moi-même tombé dans ce piège et je vous avouerais que ce n’est pas la première fois.

Je demande à chacun d’entre vous de veiller les uns sur les autres surtout si le Seigneur leur donne quelques responsabilités, et vous encourage à rester en permanence dans de telles dispositions.

L’adversaire le diable rôde comme un lion rugissant en cherchant qui dévorer. Le moindre écart peut nous être fatal et, si Dieu à voulu nous rassembler en Église, ce n’est certainement pas pour rien.

Nous n’existons que par l’unité, l’amour fraternel et le partage, mais aussi faut-il que ce partage soit bien évalué.
Donner trop de prérogatives à l’un ou l’autre peut se révéler dangereux et laissons le privilège à Dieu de nous équiper de ses dons selon les besoins de la mission et cela sans discuter et en le bénissant si un frère a été non pas privilégié mais équipé en vue du Salut pour tous et de la croissance de l’Église.

C’est en nous appropriant cela que nous ferons la volonté de Dieu et remplirons le gage qu’il nous à confié de nous occuper de notre ville et de ses alentours.

Soyons en paix mes frères et continuons à nous aimer les uns les autres.

Pour l’organisation, laissons désormais Dieu agir dans nos vies, dans nos maisons et dans ce bâtiment. Croyez-vous que ce soit bon comme cela ?

Le peuple de Dieu réuni d’une seule voix lui répondit « Amen ! »

Lire la suite...

Alerte d'édition

Les commentaires sont fermés.