L’Église venait d’échapper à une nouvelle tentative du diable de la séculariser ou tout au moins de la pervertir au point qu’elle perde sa puissance et sa raison d’être.

Comment penser que, Dieu agissant avec Ses Enfants, le voisinage ne remarque pas qu’il se passe quelque chose de pas ordinaire dans la ville. Que je sache, le Seigneur ne laisse jamais personne indifférent quand Il passe.

Les chrétiens du cru étaient habitués à entendre et faire des Alléluias dans leurs églises et à voir des miracles qu’ils inventaient la plupart du temps, mais ils étaient persuadés qu’ils vivaient une exception alors que, dans le monde entier, on constatait des sectes et religions pratiquant la même chose. Et pas seulement dans les assemblées chrétiennes.

Mais hors de leur bocal, il ne se passait plus rien dans leur vie au point que comme un poisson rouge habitué à être nourri, ils ne subsistaient jamais si ils quittaient ce que nous pourrions nommer une prison spirituelle dorée.

En fait, le fait de fréquenter le même lieu tous les dimanches les empêchaient de voir ailleurs et, par force, l’enseignement qu’ils recevaient était la science infuse et les chefs religieux qui les manipulaient quelquefois ne les détrompaient pas.

D’ailleurs, ces derniers n’acceptaient jamais la contradiction et restaient ferme dans leur prédication parce c’était celle-là qui marchait et il n’y avait pas de raison qu’ils cherchent autre chose. Une sorte de pensée unique qui, si elle n’emmenait pas toujours le peuple au Salut, le faisait "bien croire" malgré les incohérences.

Par exemple, on prêchait que le péché mène à la mort alors qu’on était relativement tolérant à ce sujet quand il s’agissait des bons donateurs ou des pasteurs eux-mêmes.

Nous pourrions discuter pendant des heures de tout ce qui n’allait pas dans l’Église, ou plutôt dans « les églises », mais l’équipe de Jo avait décidé une fois pour toute de ne plus regarder à cela ne serait-ce que pour ne pas faire de mal à ceux de leurs frères qui venaient des autres structures et qui, encore blessés pour certains, embrayaient très facilement et étaient intarissables sur le sujet.
Cela n’empêchait pas les autres structures, justement, de subir ce que nous appelions alors des malédictions car il est impensable de trouver tant d’infamie dans la Maison du Seigneur.

Ces dernières voyaient d’un très mauvais œil notre croissance et nous traitaient de secte ce qui ne nous déplaisait pas car c’est en réalité ce qu’est le rassemblement des chrétiens. Séparé du monde.

Non pas au sens « carrément coupé du reste du monde », mais séparé de ce qui le détruit et n’en subissant plus les conséquences.

« Il est sorti du tombeau,
Et en moi j’ai l’espérance. »

Bien sûr, les membres des autres églises dites instituées, et nous ne parlons pas seulement de l’église Catholique Romaine ou autres dénominations réformées ou non, vivaient leur foi comme on le leur avait appris c’est à dire qu’ils chantaient la réalité de Dieu mais ne la vivaient nullement. La croyaient-ils seulement ?

Chacune de ces institutions avait son credo et sa manière de l’exprimer, mais la quasi totalité des adeptes n’étaient chrétiens que le temps des rassemblements et les autres,  ceux qui étaient particulièrement religieux dans leur vie de tous les jours, essayaient tant bien que mal de faire valoir  "au monde" les valeurs de leurs paroisses respectives.

Le monde ne les écoutait pas car il avait l’impression, souvent à juste titre, de rencontrer des illuminés et ce qu’ils disaient ne touchait jamais les consciences.
C’est sans doute pour cela que ces églises ne grandissaient pas et les seules qui avaient du succès était celles qui promettaient la lune, la guérison ou la richesse. Tout ce qui concernait l’ego fonctionnait mais cela ne faisait pas des chrétiens, encore moins des disciples, mais un sous-produit étiolé de la culture évangélique.

Le verbe « étioler » veut dire « rendre une plante grêle et décolorée en la faisant pousser dans un endroit obscur et en la privant d’air » et en médecine, «  rendre une personne chétive et pâle en la faisant vivre dans un endroit où la lumière et l’air lui arrivent d’une manière insuffisante ».

La Lumière de Dieu étant absente de la culture évangélique offerte par beaucoup de rassemblements humains portant pourtant cet adjectif, ceci expliquait sans doute cela et, maintenant que nous avions vu les murs de l’Église de la Ville trembler et s’écrouler spirituellement, nous constations la tristesse de ces assemblées enfermées dans un système séculier qui ne pouvaient comprendre ce qui se passait exactement chez nous. D’où les critiques et les accusations que nous leur pardonnions bien volontiers.

Cela ne facilitait pas les relations extérieures et angoissait un peu nos pasteurs qui voyaient la date de la Pastorale approcher sans se trouver prêts à affronter leurs collègues.

Pourtant, il était absolument nécessaire que Roger et Jo communiquent avec les autres pasteurs de la ville pour ne pas risquer eux-même de s’enfermer dans un système qui serait devenu le leur, même si c’est Dieu qui les y avait impliqué.

Ils avaient l’impression d’être parti en voyage et, à leur retour, trouvé un monde sclérosé alors qu’eux avaient rencontré la richesse.

« Le royaume des cieux est encore semblable à un marchand qui cherche de belles perles.
Il a trouvé une perle de grand prix; et il est allé vendre tout ce qu’il avait, et l’a achetée. » Matthieu 13 :45-46

Ils savaient leurs collègues des autres églises de la place très sincères, du moins certains d’entre eux, mais aussi que si ces derniers persistaient à fonctionner de la même manière, jamais le réveil ne pourrait mettre le feu à leurs âmes.

Comment allaient-ils leur parler ?

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Le jour tant redouté arriva et la dizaine de pasteurs de la région se trouva à nouveau réunie.

Disons-le tout de suite, l’ambiance était assez hostile et ce n’était pas la dernière affaire concernant les médailles honorifiques du facteur qui arrangeait les choses, mais la Pastorale voulait bien pardonner à l’équipe cette petite incartade. Il fallait bien rigoler de temps en temps bien que cela laisse un mauvais témoignage.

Le coup du baptême à la piscine fut un peu commenté et on en vint à la politique.

Le pasteur ADDF (Assemblées de Dieu de France) reprocha à Roger de se mêler des élections et prétendit que le Maire n’était qu’un opportuniste et que c’est dans "son" église qu’il aurait dû venir faire son cinéma car lui au moins connaissait deux ou trois députés.

- Cela fait des années que je les travaille pour obtenir des subventions pour « mes » œuvres sociales et vous allez tout me ficher par terre, se plaignit-il assez méchamment.
- Oui, et nous avons chez nous les membres de sa famille vociféra le baptiste un peu énervé. Vous allez créer la division dans nos églises.
- Et cette affaire d’études bibliques que vous avez annulée, cria presque un troisième que la jalousie étouffait, vous croyez que c’est malin ?

En fait, ils digéraient mal d’avoir perdu quelques âmes au bénéfice de l’Église de la ville mais n’osaient pas, pour le moment du moins, attaquer le vieux pasteur sur ce terrain car ils savaient bien qu’ils n’auraient pas raison.

- Mes amis, les désarçonna Roger sans chercher à se justifier, je vais avoir du mal à vous répondre car nous croyons que c’est Dieu qui travaille avec nous et ni vous ni moi n’y pouvons rien changer.

Ce que nous devons voir, ce sont les fruits obtenus avec "nos" méthodes, et je n’accepterai de critique que de ceux parmi vous qui font mieux et il semble que ce ne soit pas demain la veille si vous commencez cette réunion avec vos reproches.

Jo et moi, en venant participer à cette rencontre, attendions des félicitations et voilà que vous songez à nous accuser plutôt que de nous demander comment nous nous y prenions pour emmener ces gens au pied de la croix.

Les pasteurs furent mouchés et ne purent que se taire d’autant plus qu’ils sentaient que c’est le pasteur Roger qui avait quelque chose à leur dire et non l’inverse.
Sans oublier leur rancœur, ils se calmèrent et laissèrent notre ami parler.

- Écoutez, commença-t-il avec l’assurance qu’il avait retrouvée, l’heure est grave, et il ne faut pas que nous sortions d’ici sans avoir décidé quelque chose.

Il semble que l’Esprit de Dieu souffle sur cette ville et je ne vous raconterai pas ce que nous vivons parce que vous le savez déjà et, si aucun de vous n’a encore proposé d’y participer c’est que cela vous dépasse et ne savez que penser.

Il y a quelques mois seulement, j’étais un des vôtres et nous prions ensemble Dieu de nous envoyer un réveil. Ce réveil étant là, il s’agit de voir ce que nous allons en faire, de votre côté du moins, car en ce qui nous concerne nous avons commencé.

Notre problème est la croissance car notre bâtiment ne peut accueillir plus de monde et Jo et moi avions songé à vous faire participer, mais, à vous entendre, vous ne semblez pas encore prêts à coopérer.

Le pasteurs se trouvèrent honteux et confus car ils n’avaient même pas imaginé que Roger leur tendrait cette perche et, cet homme avait raison, ils n’y étaient pas préparé. Il fallait finasser du moins gagner du temps.

- Il faut que j’en réfère à ma fédération dit tout de suite l’ADDF.
- Chez nous, c’est une petite église, pleura l’autre, qu’allons-nous faire de tous ces gens-là ?
- Nous, nous avons des habitudes et les membres n’aiment pas beaucoup la nouveauté, avoua le baptiste sans se rendre compte de l’énormité de son excuse, il nous faudra du temps.
- Nous, nous pouvons peut-être en accueillir, proposa le réformé dont la nef était désertée  depuis longtemps, que devons nous faire ?

Roger, en fait pas mécontent de ces reculades toisa son collègue « Réformé » et lui dit sans rire ni colère…

- Dites-moi, cher confrère, vous aviez si je me souviens bien cent cinquante membres dans votre assemblée non ?
- Il y a un temps déjà, répondit ce dernier en baissant le regard, il y a eu des départs et le troupeau ne s’est pas renouvelé.
- Pourquoi ? aboya presque Roger qui ne voulait pas lui envoyer des âmes.
- Heu… Parce que nos fidèles sont vieillissants et nous n’avons pas de jeunes sans doute.
- Non, vous les avez perdu parce que vous n’avez pas de nourriture à leur donner, et ceux qui ne sont pas morts de vieillesse sont morts de faim l’assomma Roger et, portant son regard sur les autres, continua…

- Et il en est de même pour vous.

Le Seigneur vous envoie des âmes et si vous les refusez. C’est parce que vous n’êtes pas dignes de mener un troupeau et c’est pour cela qu’on trouve dans vos assemblées tant de malades et de tristesse malgré les faux charismes que l’on trouve chez certains, et vous avez raison de décliner notre proposition que nous ne vous renouvellerons que quand nous vous aurons vu à genoux et capables d’accueillir et nourrir des convertis.

Il est de toutes façons hors de question de mélanger du bon grain et de l’ivraie et, tant que vous ne serez pas convertis vous-même, jamais le Seigneur ne vous enverra un ce ces enfants. Tu as quelque chose à rajouter Jo ?

- Non, pas vraiment répondit Jo mal à l’aise, mais, que ferons nous avec nos collègues de la Pastorale ?

- Rien, assura Roger d’un ton terrible. Nous ne pouvons rien faire avec eux tant qu’ils sont dans ce triste état et ne font pas ce qu’ils prêchent.

Messieurs, je reverrais ceux qui d’entre vous changeront d’attitude après avoir donné leur vie à Dieu, repris Roger en se levant et rangeant son cartable, et ceux qui sont bien disposés peuvent venir nous voir vous savez où. Nous vous aiderons si vous le voulez bien.

Jo sortit à la suite de son bouillant confrère et tout deux se dirent que si ils avaient encore un peu espéré une collaboration avec les autres églises de la ville pour accompagner la croissance, c’était fichu et ils allaient devoir chercher ailleurs.

« Personne ne met une pièce de drap neuf à un vieil habit; car elle emporterait une partie de l’habit, et la déchirure serait pire.
On ne met pas non plus du vin nouveau dans de vieilles outres; autrement, les outres se rompent, le vin se répand, et les outres sont perdues; mais on met le vin nouveau dans des outres neuves, et le vin et les outres se conservent. » Matthieu 9:16-17

Jésus, satisfait, suivi des yeux ses deux fidèles et les bénit parce qu’Il les aimait un peu plus chaque jour.

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