Pendant ce temps, d’autres disciples visitaient d’autres églises dans la région, avec des fortunes diverses excellentes pour leur formation et, si les frères s’y ennuyaient quelquefois un peu pour diverses raisons, ils y découvraient des richesses qu’ils n’auraient jamais soupçonnées.

Pierre et François, fils du boucher d’un village voisin étaient connus dans les bals de la région pour être un brin batailleurs et leur réputation n’était plus à faire.
Bien qu’ils soient passés par les eaux du baptême et ne fréquentaient plus ce qui était auparavant leur idéal, bals, les filles et les bagarres, ils n’en étaient pas moins malicieux et partout où ils passaient on disait en plaisantant…

- Tiens, voici les copains de Jo.

C’était souvent les moqueries mais ils en avaient l’habitude, et décidèrent de visiter une église dite « Assemblée de frères » c’est à dire jugée austère par les évangéliques pentecôtisants, parfaitement inconnue du monde catholique, bizarre pour les baptistes et parfaitement à coté de la plaque par le reste du monde.

C’est donc avec quelques appréhensions que nos deux compères se présentèrent à la porte se disant qu’après tout ils ne risquaient pas grand chose puisque le Seigneur était avec eux maintenant et, qu’au cas où, ils sauraient bien se défendre.

La salle était petite et le public peu nombreux comme s’il s’agissait d’une même famille.
Plusieurs couples avec une ribambelle d’enfants, tous plus sages que des images, et une impression de sérénité qu’on ne trouvait que chez Jo, Roger ou les disciples de l’Église de la ville. L’intimité en plus.

En fait, il s’agissait du salon de la maison de l’un d’entre eux qui avait aménagé pour la circonstance une déco un peu triste mais calme et apaisante, ce qui les changeaient un peu du désordre organisé qu’on trouvait au local de leur propre église où il y avait en permanence des allées et venues.

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Ils furent étonnés d’être accueillis à bras ouverts par ces gens réputés un peu stricts dans tous les sens du terme, et la glace fut tout de suite rompue après que celui qui était de toute évidence l’hôte du jour leur ait remis deux livres; un pour les chants et l’autre une Bible.

- Nous nous excusons car nous n’avons pas la même version que la vôtre et je vous prête celle là car c’est la Darby que nous préférons.

Les disciples savaient déjà qu’il existait plusieurs versions de la Bible mais pour eux, une Bible en valait une autre et seule la couverture et la texture des pages faisait la différence. Ils acceptèrent en souriant et e culte commença.

- Seigneur, nous sommes aujourd’hui devant toi réunis pour te présenter notre offrande et nous te remercions de nous accueillir dans ton royaume et pour cette opportunité de nous présenter devant toi.

- Cela commence bien se dit François qui en avait vu d’autres, ces sont des religieux !

Il jeta un coup d’œil  à son frère qui d’un regard faisait le tour de la salle, et ce regard se fixa sur un antique harmonium qui trônait dans un coin du salon comme s’il était la vedette du jour. C’était un peu vrai nous le verrons par la suite.

Sa longue et rébarbative prière terminée, le maître de cérémonie présenta les deux invités à l’église, leur proposa de dire un mot « aux frères réunis », et c’est Pierre, celui qui savait parler aux filles, qui pris la parole et expliqua qui ils étaient et pourquoi ils étaient venus.

- Nos pasteurs ne veulent pas que nous restions seulement avec leurs propres enseignements et, outre l’invitation qui est faite à des amis de passage, nous avons pour devoir de fréquenter d’autres églises afin de voir comment nos frères vivent leur foi et ce qu’ils pourraient nous apporter que nous ne sachions déjà.
Nous avons la vision de l’Église élargie, c’est à dire que nous ne sommes pas trop pour les dénominations et croyons qu’il est nécessaire de communier avec d’autres chrétiens que ceux de chez nous.

- C’est bien lui répondit enchanté le leader de la place, je vois que nous avons les même idées. Nous en partagerons si vous voulez après le culte. Mes frères, ouvrons notre carnet de chant au cantique 329.

Les deux frères ouvrirent le livret et trouvèrent le chant proposé, écrit en tout petit, et écoutèrent avec attention pour les mémoriser les premières mesures.

Dieu tout puissant, quand mon cœur considère,
Tout l’univers créé par Ton pouvoir,
Le ciel d’azur, les éclairs, le tonnerre
Le clair matin ou les ombres du soir.

De tout mon être alors s’élève un chant
Dieu tout-puissant que tu es grand !
De tout mon être alors s’élève un chant
Dieu tout-puissant que tu es grand !

Le premier refrain n’était pas terminé que les deux frères étaient conquis, et c’est de tout cœur qu’ils joignirent leurs voix et leur âmes à celles de ces gens et ils avaient déjà oublié où ils étaient et les circonstances qui les y avaient emmenés.
Il n’y avait qu’un seul chant, qu’une seule famille, qu’un seul Dieu et qu’une seule adoration. Le peuple de Dieu sur la terre était assemblé en Son nom.

Le reste du culte fut une succession de chants, d’enseignements et de témoignages que ces frères et sœurs faisaient de ce qu’il s’était passé pour eux dans la semaine, et gloire fut donnée au Seigneur des victoires qu’ils avaient remportées.

La simplicité de cette rencontre tranchait avec la rigueur de leurs tenues, les femmes portaient foulard, et les gosses ne bronchaient pas jouant tranquillement dans leur coin.

Le moment de la sainte Cène arriva et le frère dit à nos amis…

- Normalement, nous ne prenons la Cène qu’en famille car nous voulons être assurés que les éventuels visiteurs sont des nôtres mais pour vous, je pense que mes frères ne verrons aucun inconvénient à ce que vous participiez.

Vous êtes entrés dans la louange et l’adoration, vous êtes bien parmi nous et nous sommes bien avec vous.
Le Saint Esprit m’atteste que vous êtes des Enfants de Dieu et c’est avec joie que nous partageons avec vous le pain et le vin. Merci d’être venus.

L’homme avait envie d’embrasser les nouveaux venus mais il n’osa pas car selon ses coutumes, il était de mise de garder certaines réserves mais son cœur battait dans sa poitrine.

D’habitude, lui et sa congrégation se méfiaient un peu des chrétiens qui n’étaient pas des «Assemblées de frères » qui, un peu exubérants parfois, se trouvaient souvent plus charnels qu’autre chose ce que les membres de cette confession n’admettaient pas.

Pas qu’ils se sentent supérieurs, mais ils étaient sévères quant au vents de doctrines assez en vogue dans les autres églises, ils avait pour mission d’être les gardiens de la foi et veillaient jalousement à la Sainte Doctrine.

De plus, beaucoup de mouvements extérieurs abusaient des dérives émotionnelles emportant les fidèles et nommaient "Saint Esprit" un peu n’importe quoi, en particulier les pentecôtistes qui "priaient le langue", assurément une farce du diable.

Le diable, eux, ils ne le voyaient pas comme un personnage cornu mais tout de même comme la représentation du mal et il fallait se méfier car ce dernier s’introduisait dans les assemblées trop libérales et on observait bien des dérives.

En ce moment, le maître de cérémonie réfléchissait en lui-même.

Il savait que ses deux visiteurs étaient d’une église charismatique et son premier réflexe avait été de ne pas les recevoir, tout au moins de ne pas accepter de les inviter au culte du dimanche, mais, les témoignages que lui et sa congrégation avaient reçus de cette assemblée étaient très positifs et, à part le fait qu’ils pratiquaient les "dons spirituels", il n’y avait rien à redire.

Au contraire, bien qu’ayant à leur disposition un bâtiment, ils s’étaient organisés en Église de maison biblique et n’avaient apparemment pas l’intention de devenir une structure pyramidale qui inquiète tant les frères de son type d’assemblée.

Ces deux jeunes hommes s’étaient très bien tenus et reflétaient la joie et une profonde spiritualité bien qu’il soit visible qu’ils étaient de nouveaux convertis qui avaient sans doute encore tout à apprendre. Cela lui rappelait sa propre jeunesse.

Frère, demanda-il à Pierre, voulez-vous bénir le pain et le vin ?

Un peu gêné, il précisa que le vin était en fait du jus de raisin car dans les « Assemblées de frères », on ne consomme pas d’alcool.

- Cela ne fait rien, lui retourna Pierre avec un sourire.
Vous savez, en Afrique, il paraît qu’ils prennent de la grenadine mais pas pour les mêmes raisons. Eux, c’est parce que le vin est rare et cher et qu’ils n’ont pas les moyens de s’en offrir.

Les autres frères se regardèrent étonnés, certains un peu outrés, mais l’ange passa si vite qu’on ne le vit même pas et tous participèrent au souvenir toujours présent du corps et du sang de Christ.

Ce dernier, fraternellement, partagea le pain et la coupe de jus de raisin avec eux.

La solennelle cérémonie achevée, ils prirent ensemble ce qu’ils appelaient malicieusement l’apéritif, des biscuits et de la limonade pour les enfants et des canapés et du cidre léger pour les autres, et, comme c’était l’heure de se mettre à table, les deux disciples de l’Église de la ville furent conviés à partager leur repas.

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Pour une famille, c’était une famille et, si ce n’était pas leurs manières un peu guindées de gens bien comme il le faut et de classe un peu supérieure à la moyenne, tout au moins dans la pensée de nos jeunes amis, ils n’étaient pas très différents des gens comme les autres si ce n’est que les femmes parlaient assez peu en public ce qui pouvait être quelquefois un peu gênant.
Pierre avait déjà repéré une jolie jeune fille mais le Saint Esprit lui signifia tout de suite qu’elle n’était pas pour lui. Pas comme il l’avait furtivement pensé du moins. Sans doute un ancien réflexe qui resurgissait.

François, lui, un peu plus spirituel en ce moment mémorable, se dit qu’il ne fallait pas toujours écouter ce qu’on raconte car ces gens n’avaient pas l’air d’être des sectaires malgré leur apparente raideur, et il eut vite eut l’occasion de savoir ce qu’il en était car Paul, c’était le maître de maison, l’entreprit tout de suite sur les questions de doctrines.

- Quelle Bible utilisez-vous ? lui demanda-t-il comme pour lui ouvrit l’appétit sur la question.
- Heu, je ne sais pas, la Colombe je crois. Je n’en connais en fait qu’une.
- Nous utilisons la Darby, l’assura l’autre sans le rassurer pour autant et….

Et Paul partit dans une explication sur les vertus de de sa version préférée des traductions du Livre Saint et une autre attentatoire sur les erreurs que comportaient les autres, mais François n’écouta que d’une oreille car il ne connaissait pas encore les subtilités de l’Apologétique et ne savait pas comment dire à son vis à vis que cela ne l’intéressait pas.

Il est vrai que frères étroits, ou larges, comme on le préfère dans la dénomination de ces groupes, sont particulièrement pointilleux sur l’interprétation des textes bibliques et, s’ils ont en général une grande connaissance justement de l’Apologétique, ils deviennent vite assommants car ils ne se rendent pas compte que leurs auditeurs sont souvent loin d’en savoir autant qu’eux.

Et que d’autres vivent plus l’évangile qu’ils ne l’étudient en réalité.

Cela ne serait pas un mal si les uns ne voulaient à tout pris enseigner voire inculquer aux autre ce qu’ils savent, et si ces derniers avaient du temps à perdre alors que des âmes sont à sauver en urgence dans ce monde de fous.

Cela dit, en vrai disciple apprenant la patience et sachant écouter quand on lui parle, François, à défaut de profiter de l’enseignement du frère expérimenta une leçon de renoncement à soi-même dont il avait de toutes façon bien besoin.

« Le Seigneur, l’Éternel, m’a donné une langue exercée, Pour que je sache soutenir par la parole celui qui est abattu; Il éveille, chaque matin, il éveille mon oreille, Pour que j’écoute comme écoutent des disciples. » Esaïe 50:4

Pierre, lui, bien que s’intéressant toujours discrètement à la jeunette, était en grande conversation avec un autre membre de la congrégation qui voulait savoir si cela ne le gênait pas de parler en langue.

L’autre n’osait pas encore lui dire qu’il considérait les charismes pentecôtistes venant du diable et restait poli mais bouillait à l’intérieur, et heureusement que la sacro sainte réserve qui caractérise ce genre de frères lui donnait de garder son sang-froid.
Mais il était étonné du calme du jeune homme qui tranchait nettement avec l’exubérance coupable des deux ou trois pentecôtistes qu’il connaissait.

Pierre, lui, trouvait parfaitement normal d’exercer ces charismes et ne savait même pas qu’on pouvait leur reprocher quelques choses. Il comprit néanmoins que son voisin de table en était excédé.

Du fonds de son être, il leva les yeux vers le ciel.

- Jésus, il semble que ce frère veuille m’entraîner sur un terrain glissant, surtout pour lui. Que dois-je lui dire ?
- Dis-lui ce que tu penses, répondit Jésus fatigué de ces conversations pénibles, il a besoin d’être rassuré mais il faut lui dire la Vérité.
- Merci seigneur, j’ai compris, remercia Pierre. Pas de problème.

Pierre expliqua alors que si dans certaines églises il y avait un abus visible par rapport aux dons spirituels, voire des contrefaçons, cela ne voulait pas pour autant dire qu’ils n’existaient pas et que Dieu était maître de Sa façon de les distribuer et les faire exprimer quand Il veut, ou Il veut et comme Il le veut.

- Regarde, ajouta-il en direction du frère « étroit » qu’il avait tutoyé sans même s’en rendre compte, il y a des réponses à tes prières et c’est un miracle si des gens aussi différents que nous puissent déjeuner ensemble autour de cette table , tu ne crois pas que c’est l’Esprit qui nous réuni et nous assemble ?

Vois aussi les guérisons qui ont lieu chaque jours suite à la prière de l’Eglise, avec ou sans imposition des mains, ce n’est pas nous qui les faisons tout de même !
C’est l’Esprit qui habite en nous et c’est le même qui a fait dire à Paul tout à l’heure….

« Le Saint Esprit m’atteste que vous êtes des Enfants de Dieu et c’est avec joie que nous partageons avec vous le pain et le vin. »

Et pourtant, Paul n’est pas pentecôtiste et nous n’avons pas prié en langue au culte ce matin, pourquoi ?
C’est tout simplement parce que ces fameux « dons » qui te font peur ne sont pas exprimés par les hommes selon leur bon vouloir ou pour faire comme tout le monde comme cela se voit dans certaines assemblées, mais c’est Dieu qui se manifeste quand c’est utile ou pour notre bien-être quand nous en avons besoin.

Ce matin, le Seigneur dans Sa sagesse, sachant que vous êtes « contre », pour ne pas vous troubler ne nous a pas donné ce qu’il donne en d’autres moments quand Il l’a décidé.

Ce qui vous a permis de voir que nous sommes des frères comme les autres au point même que vous nous avez invité à votre table ce qui n’aurait pas été le cas, à juste raison, si votre visiteur n’avait été qu’un charnel qui raconte et exprime n’importe quoi sans même savoir d’où ça vient.

Tu sais, il y en a un dans notre église qui dit à votre propos qu’il préfère fréquenter des gens comme vous qui n’expriment pas les charismes même si vous vous privez de quelque chose plutôt que de passer ne serait-ce qu’une heure dans certains lieux ou manifestement ce n’est pas Dieu qui parle.

Pierre se rendit soudain compte qu’à table toutes les conversations avaient cessées et qu’on n’écoutait que lui. Il en fut très confus.

- Continuez frère proposa Paul avec autorité.
Ce que vous dites nous intrigue, mais la façon dont vous le dites nous plaît et nous fait du bien car nous n’avons pas l’habitude d’entendre parler de ce sujet ainsi.

- Ben, je ne connais que cette manière de faire, s’excusa Pierre un peu intimidé.
Vous savez, ce que je sais, je ne l’ai pas appris dans des livres et mon frère François est bien plus savant que moi, mais nos pasteurs nous ont mis en garde contre les exagérations et faux charismes en nous enseignant à discerner ce qui est de Dieu ou pas.

- Mais, ne dit-on pas « chez vous » qu’il faille parler en langue pour être sauvé ? questionna un autre convive.
- Certes répondit Pierre en riant, mais ce que vous dites est le parfait exemple de ce qu’il ne faut pas croire, et ce genre d’inepties fait des prosélytes des religieux et rien d’autres.
Non, non ! En cas de doute, quand on vous dis quelque chose, il faut toujours demander à quelqu’un d’autre non impliqué de confirmer et, en cas de doute encore, se placer devant Dieu et prier et jeûner au besoin. Le Saint Esprit, celui que vous connaissez, vous enseignera ces choses.

Un murmure d’approbation parcouru la salle à manger et même les enfants avaient arrêté de jouer et écoutaient l’échange.

- Cela me rappelle l’histoire d’Apollos à Éphèse risqua un des frère présent, nous en parlons beaucoup et n’arrivons jamais à nous mettre d’accord avec les évangéliques
- Oui, répondit Pierre, chez d’autres aussi, ce sujet est quelquefois mal compris, et c’est ce  qui explique les dérives mais quoi qu’il en soit, il faut rester en paix et toujours demander à Dieu de nous confirmer là ou nous hésitons ce qui évite bien des querelles inutiles et des pertes de temps.
En ce qui nous concerne, nous avons décidé que quand nous ne maîtrisons pas bien un sujet qui n’a pas d’incidences sur le Salut, nous le laissons de coté et attendons que le Saint Esprit nous éclaire et évitons toujours les disputes de mots.

Le repas se termina tranquillement et aucune dispute n’eut effectivement lieu ce jour-là entre les frères dits "étroits" et des "pentecôtistes de fait" pas plus attachés que ça à leurs charismes. Ils n’acceptaient et n’appréciaient que ce que Dieu leur offrait.

Bien sûr, les frères de cette assemblée furent invités au culte du samedi soir après avoir été assurés que n’y seraient présents que les membres reconnus de l’Église de la ville le dimanche étant réservé à des réunions d’évangélisation publiques.

Ils convinrent une date et se quittèrent bons amis en s’embrassant fraternellement ce qui était un scoop pour certains mais ils ne s’en rendirent même pas compte. Le bonheur était tout prés.

Plus de 2000 ans après, l’Église biblique reprenait sa place en France.

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