Jo n'entendit, ou plutôt n'écouta pas la suite.

Un malaise l'envahissait et il était incapable de se de dire d'où cela provenait.
Ces frères, très gentils au demeurant bien qu'un peu distants l'ennuyaient, et cette rencontre ne lui apportait pas cette intimité qu'il pensait être en droit de partager avec des collègues dans le service du Seigneur. Bah ! pensa-t-il, peut-être ne suis-je pas encore habitué à leurs coutumes. Il faut du temps pour se faire accepter.

Le Pasteur Jo avait signé son arrêt de mort. La mort à lui même.

Comme Jésus en son temps, il avait dit la vérité et ils l'avaient crucifié.
Dans quelque publication chrétienne, Jo avait lu qu'en s'élevant contre les Pharisiens Jésus  s'était suicidé politiquement. Notre ami n'avait alors pas vraiment porté attention à cet article. Maintenant, la même chose lui arrivait à lui mais le jeune pasteur le réalisait-il encore ? Il faudrait des mois, des années, avant qu'il ne comprenne l'enjeu de cette guerre ouverte entre Satan et Dieu. Jésus est vainqueur disait-on; le Pasteur Jo, ce jour là, se retrouva vaincu.

La fédération qui lui versait son salaire le remercia. C'était bien fait pour lui.

La chrétienté, naguère qui l'aimait, ne le connaissait plus. Des bruits cachés disaient qu'il était devenu fou et qu'il se reposait; publiquement, on évitait son nom.
Ses amis ne lui dirent rien, ils n'en pensaient pas moins, et les invitations n'étaient même pas rares, elles n'étaient plus du tout. Son téléphone, muet, ne voulait plus sonner.
Il cria à Jésus. Triste, aussi, Jésus se taisait.

Période de désert, période de silence. Jo savait que rien ne serait désormais plus comme avant. Il y avait de cassé on ne sait quoi dans son âme et même le doute le laissait en paix. C'est comme si il avait pris un coup, et tout son corps, son être, ses pensées, brutalisés par la souffrance, le déchiraient d'une douleur qu'il ne pouvait sentir.

Assommé, Pasteur Jo resta quelques mois sans rien faire.

Un jour, il décida que cela avait assez duré et, son pécule épuisé, pensa qu'il serait temps de réagir et d'émerger de nouveau. Il émergeas.
La situation n'était pas dramatique; Il avait le ciel pour lui. Jésus, de temps en temps, faisait une petite apparition dans sa chambre, déposait sur une chaise de l'eau fraîche et des gâteaux, et se retirait aussi discrètement qu'Il était venu. Jo n'a jamais su que le Maître en personne l'avait visité quoi qu'Il le sache tout proche.
Tout de même un jour, en fin de solitude, traversé le désert vint le beau temps.

ichtus-mini

Ses frères l'ayant rejeté, il chercha et trouva d'autres Enfants de Dieu. Ce ne sont pas les dénominations qui manquent.

Après deux ou trois essais infructueux, il se lia avec l'église M...... qui l'accueillit un peu comme s'il sortait de prison. J'étais au purgatoire se disait Jo mi souriant.
Son histoire, en fait, n'était connue qu'à moitié. Ses responsables savaient, bien sûr, qu'il avait eu des problèmes, mais ils avaient besoin d'un pasteur. Jo était consacré, il parlait en langue, était bien habillé, et cela suffirait. On verrait à l'épreuve si ça pouvait aller.
Afin de ne pas prendre trop de risque, on le nomma vice pasteur, pasteur adjoint, dans une communauté de campagne prés de la ville de Sens où il y avait du besoin.

Ici, on ne disait pas paroisse mais communauté.

Cette vocable sentait bon le réveil et on ne parlait que de ça. C'est d'ailleurs pour cela qu'on avait tant besoin de serviteurs; La croissance.
C'était le temps ou les guérisons et les miracles faisaient tant de bruit et que les chrétiens des églises plus traditionnelles voisines venaient quelque fois voir ce qui se passait. Souvent ils restaient, ce qui faisait dire à leurs prêtres que le diable les avait enlevé. Mais où est donc la vérité se demandait Pilate.
En tout cas, Les témoignages témoignaient, les chrétiens étaient fous de foi, les églises prospères et les prédicateurs toujours plus entreprenants.

- Dieu est avec nous, Qui sera contre nous ? clamaient dans leurs micros les pasteurs avec autorité.
- Amen répondait le peuple d'une seule voix.

Jo découvrit cette ambiance avec étonnement.
Certes, pentecôtisant lui-même à ses heures, il connaissait les pentecôtistes mais ce qu'il avait vu jusqu'alors de l'extérieur, il le découvrait maintenant du haut de l'estrade et se laissait griser par cette puissance qui habitait le lieu.

Cette puissance, il ne l'imaginait pas comme cela.

Ses expériences récentes dans ses dernières églises lui avaient laissé un goût de ciel, et, allez savoir pourquoi, un quelque chose lui disait que ce n'était pas ça. Il chassa ces vilaines pensées et regarda les lumières de la salle.

Le peuple chantait à tue tête et criait ses prières et adorations. On l'assura que c'était sa façon de s'exprimer. David ne dansait-il pas  avec le peuple sous le regard de son épouse courroucée ? Non frère, ouvrez vos yeux et louez le Seigneur ! A voix haute, aussi, Jo loua le Seigneur.

Dans sa chambre, le soir, il ne rencontrait plus son Ami. Le vide avait remplacé la douce voix du Maître qui lui parlait si personnellement.
Bien sûr, il passait de longues nuits en prières, bien sûr, il chantait les cantiques de tout son cœur, bien sûr, il prêchait la parole et se faisait du bien, mais, il y avait un mais, une solitude pas commune le torturait au point qu'il ne comprenait plus.

- Jésus, j'ai besoin de toi, maintenant, se surprit-il à dire un soir qu'il doutait trop.
- Je suis là fit le Christ. Une immense joie envahit tout son être.
- Mais où étais-tu donc, depuis le temps...
- Je te regardais dit Jésus
- Que veux-tu de moi, Seigneur fit Jo presque en colère.
- Je veux que tu ouvres tes yeux dit Jésus en s'en allant.

Bien qu'ayant l'assurance certaine de savoir en qui il avait cru et la paix retrouvée, Jo n'était pas plus avancé. Il trouvait son Maître bien mystérieux pour une fois et restait circonspect sur la mission qui lui était dévolue.

Dans ce nouveau lieu de travail, tout allait à merveille. On n'avait presque pas besoin de lui.
Tout le monde connaissait sa bible par cœur, tout le monde prenait la Sainte Cène, tout le monde chantait à tue-tête, et le niveau spirituel était bien plus élevé que...
Mais Jo ne voulait plus y penser. Que pourrait-il faire de plus ?

Il avait quelques scrupules car il n'avait pas osé recontacter Louis, Roger et ses autres disciples; Ses ex-disciples.
Que devenaient-ils, quel était leur pasteur, continuaient-ils à grandir, à servir, a vivre ?
Il ne pouvais décemment leur téléphoner ou leur écrire. Que penseraient leurs responsables d'une telle démarche, ne serait-il pas accusé de vouloir faire une tentative de récupération ? Serait il un loup ravisseur ?

- Oh seigneur, garde-les comme tu m'a gardé implora-t-il. Jésus accepta.

ichtus-mini

Jo avait retrouvé la paix. Son appétit revint.
Profitant de la rencontre de l'équipe pastorale, il proposa ses services.

- Nos fidèles se rencontrent trois fois par semaines à l'église lors des différentes réunions dit-il, si nous organisions quelques sorties à l'extérieur
- Que voulez vous dire ?
- Ben, des sortie de jeunes par exemple, à la plage, au cinéma
- ???!!
- Nous pourrions aussi encourager les chrétiens à se rencontrer chez eux, prier ensemble, travailler dans leur quartier.
- ???!! Mais, ils le font déjà !
- Ah oui ,? Je ne le savais pas.
- C'est vrais, cher frère que vous êtes nouveau dans notre communauté. Nous avons un programme bien établi par les dirigeants de la fédération et qui marche très bien. Les jeunes font une sortie une fois par an à la plage, et, une fois par mois, Monsieur Delmas, notre diacre, reçoit chez lui ceux de notre assemblée qui ont à cœur de prier pour la région et nos autorités.

- Merveilleux répondit Jo piteusement, je n'ai pas encore lu le bulletin paroi..., de la communauté.
- Cela fait plusieurs mois qu'on parle d'en éditer un et nous ne tarderons pas à le faire répondit le Pasteur en titre un peu irrité, mais parlons d'autre chose; Que pensez vous de ........

Il pensa à la rencontre de Jésus avec ses disciples et se dit qu'Il faisait alors moins de manières. Viens et suis moi ! L'autre laissait là ses filets, son péage, sa boutique, ses amis, et rentrait immédiatement dans la faveur du Maître qui savait si bien se faire aimer. Jo se dit qu'il faudrait attendre.

- Jésus, pourquoi je ne suis pas heureux ici ? demanda-t-il un soir à son conseiller. Jésus songea qu'il comprendrait bien assez tôt.

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Chapitre 4 ou Les questionnements

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