Bien sûr, tout ne se passait pas toujours aussi facilement et paisiblement dans l’Église de la ville.
Il y avait aussi des crashs ou de simples querelles entre disciples qui se disputaient quelquefois par rapport à l’interprétation des textes bibliques, mais ce n’était jamais bien grave car ils étaient tous unis et ignoraient la malveillance et la méchanceté.

Quelques petites pointes d’orgueil par ci par là, quelques bagarres avec la vieille nature qui cherchait à reprendre parfois le dessus, quelques escarmouches aussi avec les gens de l’extérieur, des autres églises, qui cherchaient un peu des noises sans doute par jalousie, mais dans l’ensemble, ce petit peuple croissait en nombre et grandissait spirituellement sans qu’on n’ait à le pousser davantage.

Les moments les plus pénibles étaient quand un chrétien d’une fédération voulait intégrer l’équipe, attiré qu’il était par la joie et la paix manifeste qui unissaient les disciples et disant amèrement « qu’il n’y avait pas d’amour dans son église ».

Cela, l’équipe à Jo le savait et les disciples avaient depuis bien longtemps cessé de discuter de ce genre de comparaison tout en étant certains qu’une église sans amour ne peut être de Dieu. Les enseignements qu’ils avaient reçus étaient simples.
Comme des papillons de nuit tournant autour d’un lampadaire le soir venu, les chrétiens des autres chapelles faisaient le siège du lieu de rendez-vous et essayaient discrètement de se mêler au groupe de disciples. Ils ne comprenaient pas pourquoi ils n’étaient jamais invités au culte du samedi et aux réunions de prière mais seulement aux rencontres d’évangélisation.

Les frères, de leur côté, ne saisissaient pas pourquoi ces gens refusaient systématiquement les invitations à dîner, sauf aux agapes « ouvertes », et Jo les rassura.

- Le fait est qu’ils ont l’habitude de se rencontrer dans leurs salles qu’ils nomment « l’église », et n’ont pas l’habitude de se recevoir les uns les autres à la maison sauf pour des raisons précises ou par affinités. Cela ne se fait pas.

De plus, ils savent que partager l’intimité d’un frère les oblige à dévoiler la leur et, si un « non chrétien » honorera avec joie votre invitation, les religieux de ce type freineront des quatre fers ne serait-ce que par crainte d’avoir à vous rendre la pareille.
De plus, leurs chefs religieux les ont mis en garde contre vous en laissant entendre que nous sommes une secte et ils ne veulent pas prendre de risque.

- Que ferons nous alors ? questionna inquiet un des disciple
- Laissez-les venir répondit Jo très sûr de lui, ce n’est pas vers vous qu’ils doivent venir mais vers le Seigneur et, s’ils ne veulent nous rejoindre que parce qu’ils pensent que c’est mieux ici que dans leur église, ils risquent d’avoir des désillusions.

En y mettant les formes, c’est ce qu’il expliquait d’habitude, aux « chrétiens d’églises » qui appréciaient assez peu cette appellation, un peu péjorative il est vrai, mais qui leur allait comme un gant.

Encore mardi dernier, un membre d’une autre assemblée était venu voir Jo en douce car il ne voulait pas que son pasteur le sache, et lui avait demandé la permission d’intégrer la communauté car, disait-il, il n’était pas très bien dans son église.

- le pasteur est un vrai tyran, commença-t-il.
Vous savez, il fait ceci et il fait cela, il y a ses chouchous dans l’église qui sont les seuls à présenter la Sainte Cène et c’est son fils qui héritera de l’église à sa retraite.
Il ne veut pas laisser prêcher les jeunes, surtout mon cadet qui a reçu pourtant un appel de Dieu, mais il dit qu’il lui faut attendre et faire ses preuves et qu’il doit apprendre l’obéissance et faire des sacrifices.

Tiens, j’ai déjà presque entendu cela quelque part, se dit Jo amusé mais triste tout de même d’entendre cet homme vider son sac même si il pressentait qu’il y avait quelques réalités dans son discours. Il le laissa continuer.

- Notre famille est aisée et nous sommes de ceux qui donnons le plus à la dîme mais, comme notre fille est partie dans une autre église parce qu’elle a épousé un catholique, la libraire dit que "ce n’est pas de Dieu" et qu’il y a une malédiction sur notre famille. Nous croyez que c’est vrai Monsieur le pasteur Jo ?

Sans attendre de réponse, le chrétien d’église fit un rapport de tout ce qui n’allait pas dans son église et, profitant d’un instant pendant lequel il reprenait son souffle, Jo lui demanda calmement.

- Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?
- Oh, pardon pasteur, je pensais vous l’avoir déjà dit.
Cela ne se fait pas car "il ne faut pas quitter notre assemblée" , mais nous voudrions changer d’église car nous ne croyons pas que la nôtre soit biblique par la faute du pasteur et nous serons bien mieux dans la vôtre.

Jo ne savait pas comment dire à cet homme que dans tout ce qu’il venait de dire il n’y avait pas seulement l’ombre d’un iota d’amour pour ses frères, mais au contraire des accusations, des jugements, de la jalousie, une immaturité spirituelle, et une bonne dose de propre justice.

Ces éléments montraient clairement l’absence de fruits de l’Esprit et une conscience corrompue qui n’avaient rien à voir avec la vie de Dieu, et laisser entrer ces personnes ne pouvait que polluer l’Église au sein de laquelle ils ne pouvaient se sentir bien car ces péchés seraient dévoilés et Dieu sait ce qui pourrait arriver.

Mais comment expliquer cela à cet homme qui, sûr de son bon droit de faire une telle requête, ne comprendrait pas pourquoi il se fait évincer.
De plus, il ressentirait cela comme du rejet et il aurait une autre blessure. Que lui répondre et comment ?

- Jésus, que dois-je lui…

Jo ne termina pas sa brève prière car il savait que le Seigneur ne lui répondrait pas car c’était à lui de parler à cet homme, et il fallait qu’il le fasse avec courage et détermination.
Son oreille de disciple avait écouté et maintenant, la bouche du même disciple se devait à son tour de parler.

- Monsieur, il est fort possible que votre pasteur ait à l’égard de votre famille un comportement assez peu fraternel mais vous avez la responsabilité, en tant que membre de l’église locale et celui du corps de Christ, de régler votre problème car quitter cette assemblée ne serait pas lui rendre service.

Il est évident qu’elle compte sur ses membres pour veiller sur le corps ecclésial, et l’amour que vous avez pour vos frères est plus fort que celui qu’ils ont pour vous.

A ce moment, Jo se détesta mais Jésus souriait en se demandant où il voulait en venir.

Dans l’Église, poursuivi Jo, bien que cela ne soit pas trop enseigné, chaque frère est responsable de son frère et votre pasteur est un frère comme les autres. Lui avez-vous lavé les pieds ?

Le visiteur interloqué ne comprit pas du tout de quoi il s’agissait mais mentit avec une belle assurance.

- Pas récemment mais je doute qu’il accepte encore une fois car dans notre église, nous ne pratiquons plus les sacrements

Ce fut Jo qui fut estomaqué cette fois du mensonge du respectable drôle qui donnait sa dîme sans sourcillier, et il hésita une seconde entre lui dire une vacherie ou le mettre à la porte. Heureusement, l’Esprit Saint vite le couvrit de sa nuée, et il ne fit pas la bêtise. Il continua néanmoins sa pirouette.

- Il faut en faire des sacrements, insista-t-il maintenant déchaîné, votre église doit être aussi vivante que la nôtre, et ce sont ceux qui ont reçu de la redresser qui doivent prendre le sceptre et bénir les membres puisque votre pasteur ne le fait pas bien.
Puisque votre fils veut prêcher, voilà une bonne occasion de le faire et dites-lui de préparer une prédication qu’il fera à la sortie de la ….il faillit dire « la messe » …du culte comme le grand Luther a si bien protesté.

- Mais, que leur dira-t-il ?

- Il dira que les membres de cette assemblée ne sont pas heureux dans l’église et que le pasteur n’est pas gentil avec eux et qu’il faut provoquer des élections au conseil presbytéral pour le destituer et le remplacer par un jeune.

Maintenant, repris Jo en fait pas très fier de son envolée lyrique, il faut le faire avec douceur et je vous conseille, puisque votre famille est soudée, de jeûner et de prier même si vous n’en avez pas l’habitude.

Je vous remercie mon frère de m’avoir visité et je vous souhaite bien du succès dans votre entreprise.

Le frère en question se leva de sa chaise hébété d’autant plus qu’il n’avait pas prévu de recevoir enfin un ministère ni de devenir le sauveur de son église après avoir voulu la quitter.

Pas une seconde il ne comprit que le pasteur Jo s’était fichu de sa poire et l’avait renvoyé dans son assemblée parce qu’il ne voulait pas de ce type de « chrétien » dans l’Église et que le seul endroit où il pourrait subsister était encore celle d’où il venait.

Maintenant, sur la méthode, il aurait été vain de vouloir lui expliquer qu’il n’était qu’un religieux qui faisait de la religion, même évangélique, et cet homme ne s’était pas présenté paisible ou repentant mais en accusateur des frères.

Même si les frères en question sont un peu soupçonnés de ne pas vraiment l’être.

Le pasteur Jo aurait pu bien sûr le mettre sur la piste des ses inconséquences, mais ce n’était pas le moment, et sa petite blague donnerait au moins à cette famille l’occasion de réfléchir, ce qu’ils ne faisaient pas d’habitude occupés qu’ils étaient à "refaire l’église" à coup de critiques, d’accusations et de malveillance et parfois de méchanceté.

Un élan était donné et nous verrons par la suite que Dieu agit de drôles de manières quelquefois quand on ne veut pas l’écouter.

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Avant de raconter l’histoire ce ce pseudo chrétien qui voulait adorer devant tout le monde mais qui n’en avait pas le droit, relatons la mémorable histoire de Joëlle, l’épouse du pasteur de la principale église évangélique du coin, qui croyait que Jo et son équipe lui faisaient concurrence, et qui était si en colère parce que des blancs becs de l’Église de la ville l’avaient humilié sur « son » terrain sans même s’en rendre compte. Lui, il croyait qu’ils l’avaient fait exprès.

Mais revenons à sa femme qui, elle, n’avait pas perçu l’outrage de la même façon et avait compris ce jour-là que son homme n’était un imbécile tout pasteur  de la puissante fédération ADDF qu’il était.

Joëlle était fille de pasteur, petite fille de pasteur, mère de pasteur, la fatalité aidant, épouse de pasteur et, si la fédération n’avait pas été aussi rétrograde, elle aurait été pasteur elle-même ne serait-ce que pour respecter la tradition à répétition de cette famille de serviteurs de Dieu.

Certes, cette manie était venue au bon vieux temps du réveil historique dont on avait oublié la date, il eut été un scandale de ne pas avoir au moins trois pasteurs à chaque génération, et un subtil arrangement ecclésial l’avait fiancé au jeune et fervent Bernard Leprêche qui portait bien son nom.

Elle ne l’aimait pas, elle ne l’avait jamais aimé, mais savait fort bien sauver les apparences et paraître l’épouse idéale dans un cas comme celui-là en portant le ministère de son mari et en supportant sa présence. C’est vraiment difficile d’être femme de pasteur. Tout le monde vous le dira.

Comme elle n’avait nulle part où aller et que le divorce était impensable dans cette fédération, elle restait là comme une potiche vaillante, participait à la plupart des activités pour donner le change, et personne n’a jamais su, à part Dieu bien évidemment, que tous les jours l’oiseau rêvait de sortir de la cage.

Elle n’était même pas hypocrite.

Pour elle, c’était le destin comme un musulman dirait « Inch Allah », un hindou parlerait de karma et un pauvre n’aurait pas l’idée de chercher un autre destin. Joëlle était ADDF comme d’autres sont catholiques ou naissent témoins de Jéhovah.

Elle était bien placée pour savoir que toute cette pseudo spiritualité n’était que du flan, que le corps ecclésial vivait de magouilles et de rapines, du moins dans sa fédération, que les âmes périssaient sous le joug implacable de ceux qui manipulaient leurs vies, les marchands d’âmes, mais c’était pour elle plus ou moins normal car elle n’avait jamais connu autre chose.

Quand elle servait, elle s’assurait de le faire le moins mal possible et c’était cela son Paradis, ou plutôt sa bonne conscience, car elle se doutait bien que ce Seigneur dont elle entendait parler et dont elle parlait elle-même ne pouvait pas être réduit à une entité qu’on n’utilise que quand nous en avons besoin.

Lors des réunions à l’église, on chantait ce Paradis et à la maison elle vivait un enfer. Les années passèrent.

Elle entendit parler pour la première fois de l’équipe à Jo un soir où, de retour de la pastorale, son pasteur de mari était fort en colère et raconta une histoire incroyable. Des pasteurs avaient racheté les murs d’un temple de leur fédération après avoir viré les membres et recommençaient tout à zéro. Jamais ils n’avaient vu cela.

A la limité, nous avions déjà vu des loups ravisseurs voler les ouailles d’un honnête pasteur et les emmener dans une autre paroisse ou un débutant trop zélé vider la salle en trois dimanche parce qu’il parlait trop d’abandon du péché et de repentance, mais en général, les choses rentraient vite dans l’ordre ; la fédération savait gérer.
Les inconvenants étaient virés ou, si ils tenaient à leur salaire et à la position sociale que la structure savait leur offrir, ils mettaient pédale douce et on n’entendait plus parler d’eux.

Les rumeurs concernant quelques scandales qui transpiraient étaient vite étouffées et tout allait bien dans le meilleur des mondes sauf que les âmes périssaient mais cela ne préoccupait personne. De toutes façons, donne-leur ce qu’ils veulent et ils continueront à payer.

On ne parlait jamais Salut à la maison, on ne savait même pas ce que c’était, et l’attention de Joëlle avait été attirée un dimanche par la réflexion d’un prédicateur de passage qui avait dit en privé à son mari pendant le repas…

- C’est plus facile de gagner de l’argent que de faire des disciples.

Sans vraiment comprendre la portée de cette mystérieuse affirmation, Joëlle en avait tout de même été choquée, et il ne passait plus une journée sans qu’elle y repense. Elle ne le savait pas, mais le Saint Esprit avait commencé à travailler le fond de son âme.

C’est cette affaire de fausse prophétie accusatrice dans l’assemblée dénoncée par les disciples de l’Église de la ville en visite dimanche dernier qui avait été le déclencheur de sa rébellion.

Pas qu’une fausse prophétie l’indispose, elle en avait l’habitude, mais c’était l’assurance des deux jeunes qui avaient osé premièrement interpeller le faux prophète de l’église, on n’avait jamais vu cela, mais surtout que les petits gars aient tenu tête à son mari, l’intouchable pasteur Principal de l’église, et cela sans qu’aucune dispute ni menace n’aient été proférées.

Quelque chose s’est cassé en elle et, à la maison, quand son officiellement cher et tendre   s’en prit à elle parce qu’il ne savait pas sur qui passer sa rage, comme une femme qui se décide enfin à demander le divorce, Joëlle décida de visiter ce fameux pasteur Jo dont tout le mode parlait.

Elle n’avait même pas peur, aucune crainte, elle n’espérait rien, elle n’avait besoin de rien, elle n’avait rien calculé, elle n’avait rien à dire ni rien à demander.

Ce jour-là, après la réunion des dames, Joëlle sortit et prit le chemin de l’Église de la ville.

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