Le pasteur Jo ne se sentait pas très bien dans sa nouvelle peau.
De la même manière qu'un ouvrier d'usine souffre sans le savoir des gestes répétitifs devant une machine sans vie, toujours la même, Jo se sentait mal à l'aise dans un univers étriqué où il ne se passait rien.
Bien sûr, ce n'était pas les histoires qui manquaient, et ses journées se trouvaient bien remplies à courir à droite et à gauche à rechercher les solutions des multiples problèmes que posent une communauté de deux cent quarante trois âmes recensées dans le cahier de l'église. Une vie de ministre bien remplie et, quand il se couchait le soir, il pensait qu'il n'avait pas volé le salaire que lui versait la fédération. Néanmoins, la routine et ce confort lui paraissait pesants.
En lisant sa bible et surtout le Nouveau Testament, il voyageait avec les apôtres, souffrait avec les disciples, se réjouissant avec les repentants, et son cœur criait de joie quand une âme se convertissait et devenait Lumière.
Tout ce petit monde était en mouvement et il n'entendait pas parler d'histoires stériles du genre de celles qui faisaient son quotidien et pourrissait son environnement immédiat. Jo se surprit à rêver.
Les disciples s'aimaient entre eux et, si ils se disputaient parfois, exprimaient leur attachement à Jésus prêchant la Parole de vérité et en dénonçant les pratiques religieuses que lui-même vivait parfois comme si c'était tout à fait normal. Mais pourquoi donc cette différence entre l'ambiance vécue dans leur Eglise, celle des premiers croyants, et la sienne, qu'il aimait de tout son cœur parce que qu'on lui avait appris à le faire et qu'il était bien obligé. La vérité vous affranchira.
- Je dois avoir un problème se redit Jo tristement. Jésus ne le contredit pas.
Il s'ouvrit de ses états d'âmes au Pasteur en chef qui était là pour cela.
- C'est que vous n'êtes pas assez sanctifié, lui dit l'autre avec componction. Voyez vous, cher ami, il faut vous examiner vous même pour voir si vous êtes dans la foi. Les frères et les sœurs qui fréquentent nos assemblées sont faibles et vous ne devez pas chercher dans leurs comportements des explications à "vos" problèmes. Repentez vous de vos péchés et tout ira bien. Croyez moi !
Pourquoi sont-ils si faibles avec toutes les bénédictions qu'ils reçoivent ? Pensa Jo, et moi, pourquoi est-ce que je me pose toutes ces questions; Dieu ne me suffit-il pas ?
Jésus, là encore, ne fit rien pour l'aider.
Le jour tant attendu des baptêmes arriva.
C'était un jour de fête. La communauté se rassemblait en force et allait montrer au monde ce qui faisait sa foi.
Une table avait été dressée dans le jardin, et les nappes blanches souriaient à un jour nouveau. Les sœurs cuisinières avaient honoré les convives. Seuls, les pauvres n'étaient pas invités; C'est dommage pensa Jo.
Le culte du matin avait été vite expédié comme pour laisser de la place à la manifestation de l’après midi qui allait introduire des amis dans l'Eglise et aussi, idée perfide de quelques uns, augmenter les statistiques de la fédération.
Le repas fut joyeux; les futurs baptisés aussi.
Le diacre était un peu pompette mais ce jour là était spécial et on pouvait bien le lui pardonner. Dieu connaît son cœur.
Les chants d'introduction s'entendaient au delà de la rivière car on avait poussé le son de la sono. Tout le monde était content et il y avait de quoi. Plusieurs âmes étaient passées de trépas à la vie et on célébrait la victoire.
Les baptisés avaient été préparés le matin même, après le culte, par une étude d'une heure et demi. Ils avaient répondu oui aux questions posées, et on s'était assuré qu'ils connaissaient cela par cœur et feraient sans doutes de bons et fidèles enfants de Dieu. On allait maintenant les immerger dans l'eau du baptistère, noyant leur vielle nature et les péchés passés. Toujours émouvant.
A chacun, il était demandé un court témoignage et c'est un peu hésitants, intimidés par la foule et leur grande émotion, que les candidats expliquaient pourquoi ils avaient accepté de s'engager dans les eaux et de suivre Jésus.
Quelques témoignages furent bouleversants.
Jean, alcoolique sauvé, raconta comment il avait abandonné la divine bouteille. Le peuple applaudissait. Laure, fille perdue devant l’Éternel, raconta que dans l'assemblée, elle avait trouvée une nouvelle famille, et le punk amoureux s'en tira en disant qu'il avait rencontré ici la femme de sa vie.
Un, seulement, dit en quelques phrases qu'il avait compris que sa vie est ténèbres. Il voulait, par ce geste, rejoindre la maison de Dieu. Le cœur de Jo s'émut; Enfin, en voilà un qui a compris quelque chose.
La cérémonie prit fin. Le peuple était content; Demain, une nouvelle semaine commencerait.
Cette semaine, d'ailleurs, devais s'annoncer décisive pour la vie spirituelle du Pasteur Jo qui n'était pas satisfait de la cérémonie des baptêmes.
En fait, c'est lui qui avait dirigé la petite étude biblique imposée aux nouveaux chrétiens avant le plongeon dans le baptistère. Il s'était bien rendu compte que la plupart des candidat n'étaient pas prêts, ou du moins, étaient loin de comprendre ce que voulait dire "nouvelle naissance" et "engagement pour Christ".
Nous en étions revenu à l'automatisme des religions mortes qui baptisent les bébés sans leur demander leur avis, ou autres "communions solennelles" qui ne veulent rien dire si ce n'est que ce jour là, on reçoit des cadeaux.
Vingt ans auparavant, le prêtre de la paroisse que fréquentaient épisodiquement ses parents était venu à son école et avait proposé aux élèves en âge de "communier" un week-end de rêve avec goûter et jus de fruits pour les retraitants qui en feraient la demande. Jo aimait le jus de fruit et, voulant faire plaisir à sa tante qui serait sa marraine, s'était inscrit.
Le punk, voulant garder son amie, s'était fait baptiser. La dépressive aussi. Avaient-ils compris la signification de cet engagement de prise de bonne conscience devant Dieu ? De rejet du péché, de repentance ? Non, certainement pas.
Jeanine, il le savait, vivait toujours sa vie dissolue et ne se préparait pas à en changer, le jeune couple qui allait maintenant pouvoir "se marier à l'église" continuait à se droguer et seul, le monsieur qui avait parlé de ténèbres et de lumière avait l'air d'être de bonne foi; Au sens réel du mot.
Entre Pasteurs, on ne discutait pas de ces choses; Dieu reconnaîtra les siens.
Du fond de son cœur, une voix criait au mensonge, et Jo savait qu'il y avait aussi participé. N'était-ce pas lui qui avait conclu l'affaire du bébé, n'avait-il pas signé les cours sur le baptême en fermant les yeux sur les réponses erronées des candidats que cela n'intéressait pas, n'était-il pas sur l'estrade dimanche dernier félicitant les champions hypocritement ? Ce n'était même pas la peine de lever les yeux vers le ciel et implorer Jésus. Jésus savait. Il lui fallait maintenant assumer sa trahison.
Sa première pensée fût d'aller vers ses collègues mais il savait qu'il ne serait pas reçu. On ne change pas une institution; Où avait-il entendu cela ?
Encore une fois, Jo se reconnu pécheur. Il demanda pardon à son Maître. Jésus souriait. Il accorda le pardon.
Un immense poids libéra le pasteur de son pesant fardeau, un rayon de joie illumina son cœur et soudain, une vive espérance s'empara de son âme; Il se mit à chanter.
Le lendemain, il rencontra ses frères qui lui dirent en clignant de l'œil:
- Vous voilà bien joyeux !
- Oui, Jésus m'a visité.
- Gloire à Dieu ! Vous êtes un homme heureux.
Jo savais intimement qu'ils n'avaient rien compris.
Dans cette mouvance, dire "Gloire à Dieu !" ou "Vous êtes bénis !" était un lieu commun. Presque des mots ordinaires, des mots au singulier. Que Jésus vous visite n'était pas un scoop. Cela leur arrivait tous les jours; C'était d'ailleurs leur métier que de le dire. Jo, pour la première fois, commença à douter.
Jo traversa la ville. Il croisait des pécheurs non sauvés et d'autres pécheurs qui se croyaient sauvés, saluait ses frères en Christ et aussi ceux qui ne l'étaient pas.
Il rencontra José, fils du boulanger du quartier des écoles qui lui raconta dans un souffle comment la nuit dernière le Saint Esprit l'avait visité et lui avait fait certaines révélations qui réjouiraient l'église entière. Un fort réveil allait se produire et il faudrait se tenir prêt; Lui, Jo, et les autres Pasteurs, devaient préparer l'assemblée et organiser une réunion de prière pour demander au Seigneur Sa volonté.
Normalement, Jo aurait proposé d'en parler au Pasteur principal et on aurait bien vite oublié l'affaire. Ce genre de révélations étant très nombreuses dans les églises, on ne les prend jamais au sérieux. Le peuple vit dans ses illusions et les prophéties maison tardent à s'accomplir, ce qui n'est pas plus mal quand on sait les petits règlements de compte qui se règlent par voix de Dieu interposée.
Cette fois, notre ami ne laissa pas faire.
- Cher José, lui dit Jo; Est-ce bien la voix de Dieu que vous avez entendu ?
- Bien évidement, pourquoi, fit l'autre interloqué.
- Parce qu'il ne m'a pas parlé à ce sujet fit le pasteur avec son plus grand sérieux. Il faudra confirmer votre révélation.
Il continua son chemin; Jésus le sermonna.
- Qu'est-ce que tu as voulu lui prouver ? fit-il réprimant un éclat de rire.
- Oh, rien s'échappa Jo en continuant son chemin . Jésus, méditatif, le regarda partir.
Mine de rien, Jo venait de déclarer la guerre à lui même.
Il avait brusquement décidé qu'il ne mentirait plus. Les menteurs n'hériteront pas du royaume de Dieu.
Il s'était rendu compte que la très grande spiritualité de ses amis ne ressemblait pas à grand chose. Prophéties, par ci, révélations par là, et tout le monde arrangeait sa sauce en faisant dire à Dieu des mots qu'il ne prononçait jamais. Ce n'est pas très juste cela. "Je vous vomirais de Ma bouche" disait ce dernier à ceux qui disaient et ne faisaient pas. Nous avions assez d'exemples dans la Bible pour en tenir compte. Faux prophètes, faux docteurs, faux enseignants, Parole révélées, prières au nom de Jésus, et nous organisons des faux baptêmes et trichons sur le devenir éternel des gens. Il se rappelait une histoire qui était arrivé il n'y a pas si longtemps que cela.
Madame Lebranchu, bigote vénérée d'une assemblée qu'il ne nommerait pas, passait son temps en prières et en bondieuseries tout en tirant les cartes à ses voisines le soir au coin du feu.
Dans ce cas là, on dit: Oh, ils manquent d'enseignement !
Mais non, dans ce cas bien précis, la dame savait puisqu'elle enseignait elle même les choses sur le diable et les dangers de l'occultisme qui font tant de ravages chez les ignorants. Jo, pour avoir partagé le sujet avec son collègue, était bien placé pour savoir que la dame gagnait sa vie avec ses divinations, et que rien ne pouvait lui faire entendre raison. Mieux, il était de notoriété publique que les membres de l'assemblée venaient chez elle pour se faire prédire l'avenir. Un peu comme ce curé qui jouait du pendule dans sa sacristie. Son église était pleine à craquer dés six heure du matin et, avant de savoir la vérité, Jo s'était étonné de la ferveur de ses fidèles. Tu parles, Un pendule....
Madame Lebranchu, donc, était la prophétesse. Non pas officiellement, bien sûr, mais le clergé de l'endroit faisait comme si il n'y voyait rien. Quand on sait qui inspire les révélations des occultistes, il y a de quoi avoir froid dans le dos, mais, la dame était fort riche et il était délicat de lui dire la vérité.
Pourquoi Jo pensait-il à tout cela ? Il ne le savait pas lui même. Ce qui était sûr, c'est qu'il ne voulait plus participer aux faussetés de son entourage.
Ce jour là, il rencontra aussi Georges, qui trompait sa femme avec l'épouse de son voisin. Les anciens attendaient patiemment que le Saint Esprit lui révèle son péché. Le voyant approcher, Jo souffla rapidement au Christ.
- Merci Jésus de m'avoir donné ton Esprit. Dieu va parler. Et Dieu parla.
En pleine rue, comme cela, Georges s'entendit raconter par le pasteur sévère qu'il était bon pour l'enfer si il n'arrêtait pas de se moquer de Dieu et du monde. Il pouvait continuer à forniquer si il le voulait, mais pas venir souiller l'Eglise le dimanche matin avec ses mensonges et son iniquité. Les adultères sont en abomination devant l’Éternel et il lui parlait, lui, Jo, aujourd'hui seul à seul. Demain, si besoin était, il reviendrait avec un frère et si dimanche tout n'était pas rentré dans l'ordre, il parlerait à l'Eglise et il serait mis à l'écart de l'assemblée ainsi qu'il est écrit. Jo tourna les talons et laissa l'autre avec son problème.
- Tu n'osera pas lui souffla le diable discrètement.
- Tu va voir si je n'oserais pas répondit Jo sans se retourner. Maintenant, fini les sacrifices et on va obéir. Il n'en fallut pas plus au diable pour qu'il s'inquiète.
Si jusque-là il s'était tenu à l'écart de la vie du jeune pasteur car il ne croyait pas que son prisonnier irait jusqu'au bout de ses folles idées, le diable le tenait à l’œil. Il avait juste envoyé quelques esprits de division le jour de l'affaire Schneider, et ses serviteurs incrédules avaient bien fait leur travail lors de la destitution. Il avait lié Jo avec un esprit d'obéissance, à sa volonté, quand il avait rejoint sa nouvelle affectation. Voilà qu'il recommençait avec ses histoires. Il ne pouvait pas l'empêcher de parler avec Jésus, mais saurait bien le contraindre à n'écouter que lui. Il décida une autre tactique.
Satan avait parmi ses serviteurs une fille peu farouche, spirituelle à souhait, et, en la poussant un peu, il obtiendrait bien d'elle quelques menus services; elle lui devait bien ça.
Comme toutes les chrétiennes délurées, elle rêvait d'épouser un pasteur car, croyait-elle, c'était la belle vie. Considération, bons gages, avenir assuré, pas d'autres préoccupations que de préparer l'office, et par dessus tout, la promotion de simple chrétienne à conseillère et peut-être même plus si son mari était un peu connu. Anita allait faire l'affaire.
Le Pasteur Jo n'était pas vilain garçon et ses trente ans et sa gentillesse faisaient rêver bien des jeunettes qui, si elles ne disaient rien, n'en pensaient sans doute pas moins.
Le contact fut facilité un soir d'orage quand la mobylette d'Anita tomba providentiellement en panne. Le diable a la réputation d'employer souvent les mêmes trucs et, comme il dit perfidement, ce sont les vielles ficelles qui attachent le mieux.
Jo fut donc sollicité pour reconduire la jeune fille e. En auto. Elle ne dit rien ce soir là si ce n'est qu'elle parla un peu des chagrins de sa mère. Jo pourrait peut-être la visiter un jour, et lui apporter un peu de religion, ce qui fui ferait certainement du bien. Le pasteur acquiesça; Un rendez-vous fût pris.
Bien sûr, le jour de la rencontre, la souffrante maman était sortie régler quelques urgences et s'excusait bien auprès de Monsieur le Pasteur. Elle viendrait à l'église, plus tard, merci de la pardonner.
La donzelle manœuvra si bien que Jo, libre cet après midi là, accepta de l'accompagner faire quelques courses; La mobylette était toujours en panne.
Anita, charmante enfant au demeurant, savait jouer l'ivresse. Jo ne se méfiait pas. Ce qu'une fille veut, Dieu le veut, et un autre rendez-vous fut pris allez savoir comment.
Le diable envoya quelques pensées malignes, et dit à Jo qu'il était temps qu'il songe à faire sa vie. Spirituellement avancé, stable dans son labeur, assuré de son Dieu et de son avenir, il avait maintenant besoin d'une compagne. Jo avait déjà oublié son combat pour la vérité.
Il avait parlé à Anita de ses préoccupations en ce qui concerne les dérives charismatiques de leur milieu et la fille encourageait le frère dans cette recherche. Elle disait qu'il était en pleine croissance, comme lui, et qu'ils s'entendaient bien; Le nigaud la croyait.
Jo n'était pas amoureux; Ça viendra dit Satan à son équipe. Objectif, faire tomber ce pasteur; Il devient gênant. Toi, Luxure, tu me l'attaques en douceur, toi Impudicité, tu lui donnes des idées et ne me le lâches pas; Vous, les esprits de critique, vous attaquez l'assemblée et faites en sorte que toute la ville croit qu'ils font des choses ensemble. Nous allons nous le cueillir en douceur et définitivement. Satan ricana; du souffre sortait de ses oreilles.
La mise en place du plan d'attaque ne pris que quelques jours. Cela suffit à Jo pour avoir quelques rêves. Rêves de jour, rêves de nuit, le pasteur avait mordu et il ne le savait pas. Ces quelques pensées fugaces ne pouvaient durer et Jo, professionnel éclairé, mettait cela sur le compte de la fatigue et de la proximité d'Anita qui maintenant lui téléphonait quotidiennement.
- Non, je dois faire attention confia Jo à Jésus; Protège moi si je me trompe, cette fille.....
Déjà, il pensait au prochain rendez-vous.
Les gens de l'assemblée, bien sûr, avait remarqué la chose.
Anita, d'ailleurs, racontait volontiers que le pasteur Jo ne lui déplaisait pas. Ses consœurs, jalouses un petit peu, firent courir la légende. On maria le couple dés leur troisième rencontre.
Le Pasteur Principal et les anciens encourageaient Jo par des allusions égrillardes. Le principal se voyait déjà présider une cérémonie de plus qui, elle aussi, ferait gonfler les statistiques. Jo est un bon petit, il a le droit d'être heureux et Anita est de l'assemblée; Nous y gagnerons sa famille.
Le pasteur Jo ne tarda pas aussi à se voir marié. Toutefois, la paix n'était pas dans son cœur. Il avait appris à demander à Jésus et Jésus lui disait:
- Tu vas faire une bêtise
- Mais Seigneur, cette fille....
- Je te dis que tu vas faire une bêtise
- Que me conseilles-tu Seigneur
- C'est un piège; jeûne et prie
- Mais je pris pour elle (il n'osait pas dire pour nous) tous les jours
- Prie et jeûne pour que la vérité se dévoile
- Mais quelle vérité ?
- Je vais te révéler des choses cachées que tu ne peux pas voir quand tu es préoccupé par les affaires du monde.
- Oui Seigneur, j'obéirai dit doucement le pasteur résigné.
Et Jo jeûna.
Non qu'il soit persuadé à ce moment qu'il eut besoin de se persuader de quoi que ce soit, mais il se rappelait ces paroles: "Priez afin de ne pas entrer en tentation". "Priez sans cesse".
De toutes façons, Jo savait intimement qu'on ne lutte pas contre la chair et le sang, mais contre des autorités célestes qui, si on ne les voyait jamais, comme les anges, n'en étaient pas moins réelles. Il avait pris cette habitude quand il discernait que cela n'allait pas très bien dans sa vie ou qu'il avait une décision à prendre de "monter sur la montagne" et de chercher la face de Dieu.
Quand nous prions, se disait-il, rien ne nous échappe. Celui qui est capable de prier et jeûner ainsi pour quelqu'un montre qu'il est capable de l'aimer de l'amour du Seigneur. L'amour est une puissance contre le démon qui se verra débusqué et lâchera sa proie car chacun sait qu'il n'y a rien de commun entre les ténèbres et la lumière. Il avait expérimenté cela à de nombreuses reprises.
Un jour, il avait ainsi rencontré un frère très gentil, serviable, bien sous tous rapports, qui devait prendre une responsabilité dans l'église où il officiait comme pasteur stagiaire.
La tâche était importante, et son pasteur à l'époque lui avait enseigné qu'il ne faut pas se fier à tout esprit, car, même si la personne qui nous sollicite nous parait quelqu'un de bien, il n'est pas inutile de se pencher dans la prière et examiner plus avant quelles sont ses réelles motivations. Éprouver les esprits.
Quelques jours ont passé.
La personne en question, appelons-là Paul, dont la douceur était connue de tous, ne savait pas que les deux hommes de Dieu assiégeaient le ciel pour avoir confirmation de la décision à prendre.
Que se passa-t-il ? Toujours est-il, que d'heure en heure, une nervosité, bien exceptionnelle, s'empara de Paul qui se mit à douter de l'intégrité des ses dirigeants spirituels. Il parla à divers membres de l'église, et commença à dénigrer les pasteurs qui eux, ne disaient rien mais continuaient leur combat.
Les membres ne tardèrent pas à remarquer ce brusque changement. Ils parlèrent avec lui, et un mouvement de fronde agita l'église sans aucune raison. Les pasteurs, eux, continuaient à prier.
Finalement, une querelle éclata entre un ancien qui n'avait rien compris et Paul, maintenant déchaîné, qui força la porte du bureau pastoral et se mit à insulter les frères à genoux. Des démons s'étaient manifestés.
"Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement." Mt 10:8
Jo, dans ses pensées, n'oubliait pas que le diable est un sacré malin. Quelques jours de "mise à part" ne feront toujours pas de mal, se disait-il, et on va bien voir ce qu'il en sortira. Il n'avait pas dit à Anita de faire de même; Quelque chose le retenait. Anita, pendant se temps, continuait sa campagne de promotion auprès des amis de la ville.
- Oh, rien n'est encore officiel, il ne m'a pas encore demandé, mais cela ne saurait tarder. C'est un timide, il faut lui laisser le temps.
Les habitants de son quartier n'en jasaient que de plus belle. Tous, à part le pasteur, connaissaient la vie dissolue de la belle et ne croyaient pas vraiment à une subite conversion. Les gens de cette église sont un peu fous, racontait-on sur les places, ce pasteur s'est fait avoir ou c'est un moins que rien. La sagesse populaire a parfois ses raisons.
Pasteur Jo disparu pendant une semaine. Anita commença à s'inquiéter, et sa mère sentant le vent venir, rencontra le Pasteur principal et laissa entendre que sa fille avait été déshonorée. Ce qui n'était pas vrai.
Le Pasteur écouta avec indulgence. Si la chose était vraie, elle avait raison et il fallait précipiter les choses; La rumeur publique pourrait porter atteinte à l'image de la fédér...., de l'Eglise. Nous allons aviser.
L'homme de Dieu, toutefois, respecta Jo dans son face à face avec le ciel. Il attendrait que le jeune sorte de sa chambre et Jo, inconscient du complot qui se tramait autour de lui, priait et cherchait la face de Dieu.
Un galant d'Anita éconduit par le prince, du moins le croyait-il, vint un soir jeter des cailloux contre les volets de l'homme de Dieu. Il creva les pneus de sa voiture et s'enfonça dans la nuit. Une guerre, sans qu'on l'ait déclarée, enflamma de ses feux les habitants de la terre. Jo, lui, innocemment criait à son Seigneur.
Ces quelques jours de joie et de solitude avaient encore rapproché Jo de son Ami.
Bien que ne comprenant pas encore pourquoi, il savait maintenant que Jésus lui déconseillait formellement de poursuivre une relation avec Anita. Le Seigneur lui montra aussi sans trop bien l'expliquer, à moins qu'il ne comprenne pas, que l'ennemi le criblait et qu'il y avait danger pour son ministère.
- Satan ne s'intéresse pas à toi, mais à ce que tu fais. Il sait que tu as pris des décisions importantes ces derniers temps; Il veut te détourner de ta vocation et t'empêcher de parler. Il va essayer de te nuire mais ne crains pas; Je t'accompagnerai partout où tu iras.
Jésus avait parlé. Jo put rejoindre le monde.
Il ne fut pas accueilli chaleureusement. Jo pensa qu'ils le trouvaient peut-être un peu trop spirituel; Cela ne fait rien, se consolait-il, après tout, c'est moi que ça regarde.
D'autres regards, hostiles lui furent lancés quand il pénétra la salle de réunion pour la réunion du samedi. Là, il ne comprenait carrément pas pourquoi.
A la fin de la rencontre, longue, très longue, il fut convoqué dans le bureau pour une entrevue importante qui ne souffrait l'attente, et le Principal lui dit sèchement en guise d'introduction.
- Pourquoi ne voulez vous plus l'épouser ?
- Vous parlez d'Anita ?
- Oui, vous le savez bien, ne faites pas l'innocent.
- Mais, Monsieur, il n'en a jamais été question...
- Ne me dites pas que vous n'y avez pas pensé
- Pensé, certainement, concéda Jo mal à l'aise, mais l'épouser n'est pas encore d'actualité.
- Vous vous êtes bien amusé avec elle pourtant, accusa l'autre rageusement; Vous ne savez pas dans quelle situation vous m'avez mis. Il faudra réparer !
- Quelle situation, réparer quoi ? Demanda Jo qui commençait à comprendre.
- Ne faites pas l'andouille; vous ne seriez pas le premier. J'exige des explications.
- Mais il n'y a pas d'explications rétorqua Jo un peu abruptement. Cette fille n'est rien et ne sera jamais rien; Ni pour vous ni pour moi.
- Comment me parlez-vous ? cracha le Pasteur Principal menaçant
- Comme on parle à un imbécile, pensa Jo sans oser prononcer, reprenez vous Pasteur, il n'y a rien qui vaille que nous nous querellions.
Le Pasteur principal traita Jo de petit jeune homme et d'autres qualificatifs ecclésiaux qu'il n'est pas utile de commenter ici. Sa colère injuste aveuglait l'homme qui perdait son sang froid Jo leva les yeux vers le ciel.
- Jésus, fait un miracle implorait-il
- Je vais en faire un, dit Jésus avec autorité; Que tes yeux s'ouvrent et voient !
Et Jo compris l'enfer.
Il avait devant lui le démon hideux de la colère. Derrière lui, penché sur son oreille, un esprit mensonger susurrait on ne sait quelles inepties. Dans un coin du bureau, un esprit de division souriait tendrement, tandis qu'une puissance, invisible à ses yeux, enserrait la pièce dans un étau serré . Une odeur fétide envahit le bureau et Jo, distinctement entendit une voix crier:
- Ne le lâchez pas, on le tient, il est à nous !Jo, ne savait comment réagir.
Déjà, dans son ministère, il lui était arrivé, de chasser des démons mais ne les voyait pas. Cette fois-ci, impressionné, il ne savait que faire. Jésus, solidaire, devinant ses pensées lui dit de ne pas s'effrayer.
- Ne crains point, car ceux qui sont avec vous sont en plus grand nombre que ceux qui sont avec eux.Toi, loue le Seigneur ton Roi !
Un esprit de louange venant de Dieu posa sur Jo sa présence bénie. Un chant ouvrit sa bouche et proclama la puissance, la grâce, l'amour, le salut et la victoire du nom de Jésus. Le sang de l'agneau a coulé, elle est vaincu Babylone la grande, Il est sortit du tombeau, la mort a perdu sa puissance, Il est sortit du tombeau, aujourd'hui j'ai l'espérance.
- Arrête, arrête de chanter, criaient des voix par la bouche du Principal,
- C'est pourquoi j'ai l'espérance,
- Arrête, j'ai mal, ne dit pas ça...
- Alléluia, Alléluia !
- Non, non,
- Il est sortit du tombeau !
- Il est à moi, nous ne partirons pas, au secours...!
- Jésus est vainqueur !
Le combat dura plusieurs heures. Plus Jo chantait la magnificence de Dieu, plus les démons criaient, sifflaient, rampaient, tortillaient, menaçaient et piaffaient des injures. Jo chantait la gloire du crucifié. Dans la pièce, tout n'était que ténèbres, on se serait cru dans la géhenne. L'enfer lui, tremblait à cause des prières, bouillonnait, sentait la peur et l'angoisse, déchiré qu'il était par la victoire de Jésus.
- Il est venu délivrer les captifs, soulager les opprimés, rendre libre les prisonniers. Tout est accomplit, la mort a perdu sa puissance.
Plus tard, quand le Principal se releva de sa peine, Jo compris qu'il fallait l'emmener à Dieu. Doucement, très doucement, il lui annonça le Seigneur, lui dit l'amour de Jésus pour lui et l'encouragea à crier grâce pour ses péchés présents. Dieu déteste le péché; il aime Sa créature.
La porte du ciel s'ouvrit cette nuit-là, et accueillit un nouvel invité.
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