Les deux pasteurs se trouvaient maintenant devant un problème.

Pour Robert, il devenait clair que ce qu’il avait appris à ses ouailles n’avait servi à rien et qu’il n’en était pas une à regarder vers Christ sauf quand elle en avait bien besoin.

Oui, c’est lui qui leur avait dit : Viens à Jésus et il te rendra célèbre.

Viens à Jésus et tes ennuis disparaîtront.
Viens à Jésus et tu trouveras une famille.
Viens à Jésus et tu en seras plus jamais seul.

Bien sûr, il leur avait aussi parlé du péché, de la repentance, mais cela était un fait acquis, une leçon apprise, qu’on serinait aux autres sans même y penser à défaut d’y croire. Nous étions sauvés une bonne fois pour toutes, et les petits péchés n’avaient pas d’importance car Dieu nous aime et nous nous l’aimons.

Un petit péché en emmène un grand mais Dieu est si bon. Nous sommes les Elus.
Dieu pardonne même si nous ne pardonnons pas à nos frères et, puisque « le pasteur » ne dit rien…

D’ailleurs, le pasteur ne pèche-il pas en baptisant n’importe qui et en laissant le diacre piquer dans la caisse ?

Peu à peu, la religion a remplacée le Salut et nous avons oublié que le salaire du péché c’est la mort. Nous ne voyons d’ailleurs plus ce dernier que dans la peau des autres et sommes petit à petit revenus à nos vomissures que nous cachons bien le dimanche.
C’est pour cela que nous ne venons aux réunions de prières que contraints et forcés, que nous donnons la dîme pour s’assurer une chaise dans l’église et un semblant de probité et que nous critiquons si fort celui qui veut nous sauver.

Le Pasteur principal Roger, tout triste, réalisa alors ce qu’était le péché et qu’il n’avait enseigné aux autres que comment le garder. Misérable que je suis ! Qui nous délivrera et comment leur parler ?

Seulement, il avait maintenant été touché par Jésus et avait décidé qu’il serait désormais autrement, et il fallait expliquer cela aux membres de son église. Ils ne le comprendraient jamais.

En fait, ce n’était pas les membres qui le tracassaient car, prêcher cela à eux ou à d’autres, ce serait toujours des âmes à sauver. Il se rendait compte qu’en fait il ne les avait jamais aimés.

Ceux qu’il faudrait convaincre, ce sont les gens de sa dénomination, sa couverture spirituelle, ceux qui lui versaient son salaire, ceux sans qui il n’existait pas.

Il lui apparaissait très clairement que si il disait la vérité à ses « fidèles », ils quitteraient l’église pour une autre plus tolérante, il y en a tant, et que la baisse des statistiques le condamnait à échouer.

Son frère Jo n’avait-il pas eu déjà ces problèmes ?

Sans s’avouer laquelle, il savait qu’il avait à prendre une décision mais ne voulait pas adhérer. Le dilemme était là.

Les murs de l’église ne lui appartenaient pas, ils n’appartenaient pas aux fidèles, ils n’apparentaient pas à Christ ni à quiconque de la ville. Ils étaient la propriété de la fédération qui gérait les comptes et ne pouvait accepter qu’on prêche un autre évangile que le sien au risque de perdre la popularité et les dîmes.

Et puis, le scandale….

Il pourrait ouvrir une salle et inviter les gens qui l’écouteraient à le rejoindre mais gare aux voleurs de brebis très mal perçus dans la profession. Et qui verserait son salaire ?

Quoi que pour ce détail, il ne s’inquiétait pas.

« Cherchez plutôt le royaume de Dieu; et toutes ces choses vous seront données par-dessus.
Ne crains point, petit troupeau; car votre Père a trouvé bon de vous donner le royaume.
Vendez ce que vous possédez, et donnez-le en aumônes. Faites-vous des bourses qui ne s’usent point, un trésor inépuisable dans les cieux, où le voleur n’approche point, et où la teigne ne détruit point.
Car là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur.»

Luc 12:31-34

Il avait la sensation d’appartenir complètement à Dieu et il comprenait maintenant un chrétien de passage qui lui avait dis un jour…

Vous voyez pasteur.
Quand j’ai un problème, ce n’est pas « mon » problème mais celui du Seigneur.
A ma conversion, je lui ais donné ma vie entièrement ; Alors….

Le Pasteur Robert avait trouvé ce jeune un peu trop spirituel à l’époque et l’avait sans doute envoyé promener mais maintenant, il savait ce que ce gars voulait dire. S’en remettre totalement à Dieu.

Seule, sa dénomination le gênait présentement.

Il avait toujours été plus ou moins conscient que cette histoire de dénominations était surtout utile à diviser le Peuple de Dieu, et le seul fait d’appartenir à l’une d’elles était source de querelles et de mépris par rapport aux adeptes d’une autre.

En plus, c’était la sienne « qui avait raison » et, comme il ne connaissait pas autre chose, il se serait trouvé bien dépourvu si il y a encore huit jours il avait dû la quitter pour une raison ou pour une autre. En fait, il n’y avait jamais pensé.

C’est drôle mais à l’heure actuelle, il ne ressentait rien et, sans mépriser pour autant ses évêques, ne se sentait plus solidaire de la ligne de pensée impérative dans ce milieu-là et se sentait libre de penser ce qui ne lui était jamais arrivé jusqu’ici.

- Décidément, bien des choses ont changées depuis l’autre soir se dit-il en pensant à la nuit mémorable où les démons auxquels il ne croyait pas vraiment s’étaient manifestés.

Je suis maintenant si léger et si tendre. Quelque chose ce serait-il passé que j’ai encore du mal à comprendre ?

Pasteur Roger ne croyait pas si bien dire.

Il apprendra plus tard que la plupart des problèmes, batailles, incompréhensions et querelles, sont l’œuvre de démons, ou d’esprits mauvais, bien cachés dans les êtres surtout des plus religieux.

Ces histoires de doctrines, de guerres entre chrétiens, de mensonges éhontés et de trafics en tout genre sont générées en douce par l’ennemi commun au travers de ses sbires qui prennent possession des corps quand on veut bien les laisser entrer.

Qu’un chrétien puisse ou non héberger des démons, ça se discute.
Qu’on en voit partout ou nulle part, ça ce discute aussi.

Que l’un prêche ceci et l’autre cela, on en a l’habitude, et Roger comprenait qu’on ne se rend finalement compte du départ d’un esprit mauvais dans sa vie que quand il est parti justement. C’est bon quand ça s’arrête.

Ce qui est certain, c’est que par rapport à cette fameuse soirée, il y avait pour notre Pasteur en chef un « avant » et un « après ». Aujourd’hui le ciel était bleu malgré ses états d’âmes et ce qu’il pressentait avoir à endurer.
On ne quitte pas un enseignement et un environnement de toute une vie comme cela.

Ce qui est extraordinaire, c’est que Roger se surprenait à penser à quitter sa fédération (et son job) sans que personne ne lui ait fait de leçon si c’est le Sait Esprit qui apparemment désirer le voir en changer.

Oui mais pour laquelle ?

A cela non plus Roger n’avait jamais pensé, et cette idée saugrenue envahissait son cœur un peu comme un lait additionné de miel. C’est à n’y rien comprendre.

Et que va dire ma femme ! S’inquiéta le pasteur subitement un peu horrifié.

Jo, lui au moins, il n’est pas marié, et il a une certaine expérience. Mais moi que vont dire « les gens » et que vont-ils penser ?

Quoi que les gens, ils peuvent bien causer mais Martine ma femme……

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